La meilleure façon pour que
ton chum s’intéresse à ton blogue ? Lui dire que tu vas écrire un article sur
lui. Soudainement, il va trouver du
temps pour venir y jeter un coup d’œil. Même fatigué, même débordé, même s’il
doit aller au garage, il va trouver un peu de temps.
Trouble obsessionnel-compulsif. TOC.
Mon amoureux, il a un TOC, en fait, il n’a pas vraiment de diagnostic,
mais disons qu’il a de forts traits.
Au début de notre relation, au moment où je n’avais pas
encore un portrait global de sa personnalité, je restais perplexe quand, en
plein cœur du mois de janvier, il me demandait si ma fenêtre était bien fermée
au moment de sortir de la voiture. J’ai
d’abord cru que cela pouvait être un genre d’humour pince sans rire, mais j’ai
tôt fait de me rendre compte qu’il était on ne peut plus sérieux, ce qui
augmenta alors ma perplexité. Je ne
savais pas encore, à ce moment-là, que ce genre d’obsession sur la fermeté des choses était en fait une
forme d’anxiété. Il va sans dire que,
lorsqu’il s’est mis à faire le tour de sa voiture trois fois, avant de
l’abandonner à son sort dans le stationnement, en regardant scrupuleusement
chacune des roues, en vérifiant que chaque portière était bien fermée et en
souhaitant pratiquement bonne chance à ce véhicule qui passerait quelques
heures seul loin de nous, j’ai trouvé ça carrément bizarre. À l’époque, je
restais quand même plantée-là à le regarder faire, sans rien dire, toute
remplie que j’étais de mon amour pour lui.
Cet homme avait une relation affective avec les objets, c’était étrange,
mais émouvant en même temps. Cela dit, après 16 ans de relation, je ne
l’attends plus pendant qu’il fait ses adieux à sa voiture dans les
stationnements (surtout pas à -30°C), je le laisse à son rituel et il me
rejoint plus tard.
Avec mon amoureux, les départs ne sont jamais simples, même
les départs du 1er étage vers le 2e pour aller se
coucher. Dans les premiers temps de
notre cohabitation, il devait vérifier que chaque rond de la cuisinière était
bien éteint ; à l’achat de notre cuisinière au gaz, cela fût réglé. Mais les compulsions ont cette propriété de
se déplacer aisément d’un objet à un autre.
Il fallût donc ensuite qu’il vérifie que le porte du frigo fût bien
fermée, que les thermostats furent bien éteints, que la champlure de la douche
ne coulait pas et dans quelle pièce se trouvait chacun de nos chats (afin
d’être bien certain de ne pas les avoir enfermés dans un placard pour la nuit). Je finis par aller me coucher sans ne plus
rien éteindre, sachant que quelqu’un passerait inévitablement derrière moi pour
tout vérifier. En fait, il est là tout
le défi lorsqu’on partage la vie d’un TOC : il est tentant de tout
abandonner et de le laisser tout gérer de sa rigide façon, en le laissant seul
au monde de la vérification et de la contre-vérification. Mais, comme être en couple implique
nécessairement une relation entre deux personnes, il vaut mieux choisir ses
batailles et trouver dans quel domaine il pourrait tenter de lâcher prise un
peu. Mon chum accepte que le linge ne
soit pas plié à angle droit, que le Ketchup
change de place dans le frigo et que notre cuisine ressemble à un champ de
bataille lorsque je prépare les repas (bon, c’est un work in progress, car il me tourne parfois autour en rangeant des
ingrédients que je n’ai pas encore utilisés).
En ce moment, il travaille fort à aimer mes piles de vaisselles
instables et à apprivoiser le fait qu’on peut peser sur le bouton d’un engin
électronique même si on ne sait pas encore à quoi sert le dit bouton, qu’il n’y
aura pas nécessairement de conséquences désastreuses !
Mon TOC à moi, il voit tout, il remarque tout, il est à
l’affût du moindre petit changement. Il
faut dire que chaque changement est pour lui source d’anxiété. Si je change le
linge à vaisselle, il mettra quelques minutes à s’adapter au nouveau, tout en
se demandant si c’était bien le meilleur moment pour le changer. Alors, imaginez changer un meuble de place ou
encore en acheter un nouveau ! Cela
nécessite pour lui toute une préparation mentale. Je me rappelle encore, comme si c’était hier,
de cet échange que nous avions eu (moi en congé pour la journée, lui revenant
du travail) :
-
Ta sœur est venue te voir aujourd’hui ?
-
Oui.
Pourquoi ?
-
Je le savais.
J’ai reconnu ses traces de pneus dans l’entrée.
Note à moi-même : si
jamais j’ai un amant, lui dire de stationner dans la rue, pas dans notre entrée
en gravier sur lequel s’impriment les traces de pneus.
Avec un TOC, chaque décision est pesée, soupesée et repesée,
puis tournée d’un sens et tournée de l’autre, et analysée et contre
analysée. Les questions sont posées et
reposées et revérifiées, juste pour être certain.
Je dois toutefois avouer qu’il y a quelque chose de
sécurisant à partager la vie de quelqu’un d’aussi minutieux, de quelqu’un qui
pense à tout. Je sais que mon côté
brouillon le déstabilise, voir l’exaspère, mais à quoi sert d’être en couple si
ce n’est pour s’enrichir de la vision de l’autre.
Le trouble obsessionnel-compulsif