Je commence à parler de jardin avec mon chum. Mmmm.
Il est aussi intéressé que si je lui jasais menstruations. Je me questionne : pour retourner la
terre, on ne va toujours bien pas faire cela à la bêche ? Est-ce qu’il faut
engager quelqu’un avec un motoculteur ? Qui ? Mon chum me regarde comme si je
parlais chinois. Bon, il gèle encore la
nuit, ça ne presse peut-être pas tant que ça…à moins qu’on remette ça à l’année
prochaine ? Mon enthousiasme est on ne peut plus fragile. Mon chum me dit que j’ai juste à
m’informer. Ben oui, bonne idée. Surtout qu’il y a quelque chose comme 200
personnes autour de moi qui font des jardins, j’ai plein d’experts potentiels
au bout du fil. Juste à appeler.
Facile. Bof.
Peut-être que mon absence d’amour pour le jardinage
remonte à l’enfance. Un traumatisme
infantile, ça doit être ça. Ma mère
faisait un jardin. Ma sœur et moi,
étions amenées à contribuer. Désherber
sous un soleil de plomb avec les mouches qui te tournent autour. J’avais beau chercher, je ne trouvais rien
d’amusant là-dedans. Je ne comprenais
pas que ma mère s’inflige volontairement cette torture ; il n’en vendait pas à
l’épicerie du village des légumes ? Et puis, j’avais plein de terre qui se
ramassait sous mes ongles. Arrrkk. Et parfois, il y avait les vers de terre.
Double arrkkk. Posture inconfortable ; accroupie, à genoux, assise tout croche.
Courbaturée à respirer de la terre. Y
fait chaud pis c’est full bibittes. Je
me répète, je ne vois pas en quoi je passe un beau moment. Et dire qu’il y en a qui trouve que c’est une
activité zen, relaxante. Moi, j’ai juste hâte
que ça finisse pour aller prendre ma douche ou me garocher dans la piscine. Et puis, par temps trop sec, il faut penser à
arroser le dit jardin, une charge mentale de plus : vérifier la météo et
stresser pour ses concombres. Je me
souviens aussi de ma mère qui disait à mon père de ne pas oublier d’aller abriller les tomates parce qu’il annonçait
du gel cette nuit. Et mon père qui
partait avec ses sacs de jute à la brunante.
Je me souviens que je ne comprenais pas trop ce qui se passait
et que je trouvais bizarre toute cette frénésie autour des tomates. Je me rappelle les grands sacs de papier
bruns plein de haricots que ma mère déversait sur la table de la cuisine pour
que moi et ma sœur nous les équeutions. J’avais l’horrible impression que l’on
en viendrait jamais à bout. Je me
rappelle ma mère et ma grand-mère qui préparaient leurs conserves. Je me rappelle mon manque d’intérêt.
Peut-être que je suis prisonnière de mes stéréotypes,
mais j’ai le sentiment de ne pas être une vraie femme parce que je ne rêve pas
d’un jardin. Ben oui, des légumes frais
cueillis, c’est meilleur. Et des légumes que tu fais pousser toi-même, tu sais
qu’ils ne sont pas full pesticides. Ben
oui.
Je vais peut-être demander conseil à quelqu’un, ça ne
doit pas être si compliqué que ça. Je
vais peut-être aussi juste aller à l’épicerie.