jeudi 29 juin 2017

TOC, mon amour


La meilleure façon pour que ton chum s’intéresse à ton blogue ? Lui dire que tu vas écrire un article sur lui.  Soudainement, il va trouver du temps pour venir y jeter un coup d’œil. Même fatigué, même débordé, même s’il doit aller au garage, il va trouver un peu de temps.

          Trouble obsessionnel-compulsif.  TOC.  Mon amoureux, il a un TOC, en fait, il n’a pas vraiment de diagnostic, mais disons qu’il a de forts traits.

          Au début de notre relation, au moment où je n’avais pas encore un portrait global de sa personnalité, je restais perplexe quand, en plein cœur du mois de janvier, il me demandait si ma fenêtre était bien fermée au moment de sortir de la voiture.  J’ai d’abord cru que cela pouvait être un genre d’humour pince sans rire, mais j’ai tôt fait de me rendre compte qu’il était on ne peut plus sérieux, ce qui augmenta alors ma perplexité.  Je ne savais pas encore, à ce moment-là, que ce genre d’obsession sur la fermeté des choses était en fait une forme d’anxiété.  Il va sans dire que, lorsqu’il s’est mis à faire le tour de sa voiture trois fois, avant de l’abandonner à son sort dans le stationnement, en regardant scrupuleusement chacune des roues, en vérifiant que chaque portière était bien fermée et en souhaitant pratiquement bonne chance à ce véhicule qui passerait quelques heures seul loin de nous, j’ai trouvé ça carrément bizarre. À l’époque, je restais quand même plantée-là à le regarder faire, sans rien dire, toute remplie que j’étais de mon amour pour lui.  Cet homme avait une relation affective avec les objets, c’était étrange, mais émouvant en même temps. Cela dit, après 16 ans de relation, je ne l’attends plus pendant qu’il fait ses adieux à sa voiture dans les stationnements (surtout pas à -30°C), je le laisse à son rituel et il me rejoint plus tard.      

          Avec mon amoureux, les départs ne sont jamais simples, même les départs du 1er étage vers le 2e pour aller se coucher.  Dans les premiers temps de notre cohabitation, il devait vérifier que chaque rond de la cuisinière était bien éteint ; à l’achat de notre cuisinière au gaz, cela fût réglé.  Mais les compulsions ont cette propriété de se déplacer aisément d’un objet à un autre.  Il fallût donc ensuite qu’il vérifie que le porte du frigo fût bien fermée, que les thermostats furent bien éteints, que la champlure de la douche ne coulait pas et dans quelle pièce se trouvait chacun de nos chats (afin d’être bien certain de ne pas les avoir enfermés dans un placard pour la nuit).  Je finis par aller me coucher sans ne plus rien éteindre, sachant que quelqu’un passerait inévitablement derrière moi pour tout vérifier.  En fait, il est là tout le défi lorsqu’on partage la vie d’un TOC : il est tentant de tout abandonner et de le laisser tout gérer de sa rigide façon, en le laissant seul au monde de la vérification et de la contre-vérification.  Mais, comme être en couple implique nécessairement une relation entre deux personnes, il vaut mieux choisir ses batailles et trouver dans quel domaine il pourrait tenter de lâcher prise un peu.  Mon chum accepte que le linge ne soit pas plié à angle droit, que le Ketchup change de place dans le frigo et que notre cuisine ressemble à un champ de bataille lorsque je prépare les repas (bon, c’est un work in progress, car il me tourne parfois autour en rangeant des ingrédients que je n’ai pas encore utilisés).  En ce moment, il travaille fort à aimer mes piles de vaisselles instables et à apprivoiser le fait qu’on peut peser sur le bouton d’un engin électronique même si on ne sait pas encore à quoi sert le dit bouton, qu’il n’y aura pas nécessairement de conséquences désastreuses !

          Mon TOC à moi, il voit tout, il remarque tout, il est à l’affût du moindre petit changement.  Il faut dire que chaque changement est pour lui source d’anxiété. Si je change le linge à vaisselle, il mettra quelques minutes à s’adapter au nouveau, tout en se demandant si c’était bien le meilleur moment pour le changer.  Alors, imaginez changer un meuble de place ou encore en acheter un nouveau !  Cela nécessite pour lui toute une préparation mentale.  Je me rappelle encore, comme si c’était hier, de cet échange que nous avions eu (moi en congé pour la journée, lui revenant du travail) :

-        Ta sœur est venue te voir aujourd’hui ?

-        Oui.  Pourquoi ?

-        Je le savais.  J’ai reconnu ses traces de pneus dans l’entrée.

Note à moi-même : si jamais j’ai un amant, lui dire de stationner dans la rue, pas dans notre entrée en gravier sur lequel s’impriment les traces de pneus.

          Avec un TOC, chaque décision est pesée, soupesée et repesée, puis tournée d’un sens et tournée de l’autre, et analysée et contre analysée.  Les questions sont posées et reposées et revérifiées, juste pour être certain.

          Je dois toutefois avouer qu’il y a quelque chose de sécurisant à partager la vie de quelqu’un d’aussi minutieux, de quelqu’un qui pense à tout.  Je sais que mon côté brouillon le déstabilise, voir l’exaspère, mais à quoi sert d’être en couple si ce n’est pour s’enrichir de la vision de l’autre.   
Le trouble obsessionnel-compulsif
         

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