La trentaine bien entamée (pour ne pas dire presque terminée), je blogue. Je vous parle de mon monde. Des fois, je suis drôle, des fois, je suis déprimante.
jeudi 28 février 2019
jeudi 21 février 2019
Le costco
Je ne
devrais même pas me poser la question pis juste y aller. D’un côté, il y a une grande surface qui vend
en grande quantité plein de trucs à des prix plus que compétitifs. De l’autre, il y a moi avec une famille et un
revenu moyen. Il me semble que c’est le
match parfait. En plus, c’est un magasin
grande surface socialement acceptable, qui paye bien ses employés et qui leur
fournit une assurance santé. Donc, en plus, je n’ai même pas besoin d’y aller
en cachette et de le taire à mes amis un peu bobo. Même les écolos et les adeptes de la
simplicité volontaire vont au Costco.
Alors, pourquoi pas moi ?
Je n’y
arrive pas. Pourtant, j’ai essayé. Déjà, dans le stationnement, la pression
monte. Il n’y a plus place, il y a des
autos, des paniers et du monde qui sortent de partout, j’ai toujours
l’impression que je vais me faire rentrer dedans et/ou que je vais écraser
quelqu’un. Mais qu’à cela ne tienne, je
m’en vais économiser, cela vaut bien quelques petits désagréments, que je me
dis. Alors, me voilà, aux commandes de
mon gigantesque panier, le sourire accroché au visage, prête à accueillir mes
deux pots de beurre d’arachides de 1 kg, mes 18 paquets de gommes et mes 22
barres de savon.
Première
petite embûche : un gentil monsieur tout souriant veut voir ma carte de
membre. Ah zut ! Je l’ai mis où
celle-là. Dans mon portefeuille,
j’espère. Je fouille frénétiquement
dedans, mais je ne la trouve pas. Elle
doit être collée sur une autre carte. Je
vais être obligée de les sortir une à une.
Je commence à avoir chaud. J’ai
le sourire qui vacille. Je regarde le
petit monsieur ; il attend patiemment avec un sourire bienveillant. OK, je me calme, je trouve la carte. Hourra ! Je peux entamer ma chasse aux
aubaines. Mon sourire revient, quoique
légèrement plus incertain cette fois.
Maintenant,
c’est parti pour de vrai. Oh, les grosses télévisions ! Je n’ai pas besoin d’un nouveau téléviseur,
mais je ralentis quand même, juste pour voir.
Après, c’est les ordinateurs portables, tient ça fait longtemps que j’en
veux un, je vais juste jeter un petit coup d’œil. Après dix minutes, je me ressaisie, je ne
suis pas ici pour acheter un ordinateur, comme le prouve mon énorme panier, je
suis ici pour acheter du quotidien, du manger, de la pharmacie, un ou deux
morceaux de vêtements pour les enfants, that’s
it.
J’ai
vraiment chaud, mais je souris toujours, pas un grand sourire, mais un sourire
quand même. Direction pharmacie. J’ai maintenant assez de tubes de dentifrice
pour un an, si ça ne devrait pas me rendre heureuse ça. Ne pas avoir à arrêter
en catastrophe à la pharmacie après le travail parce qu’il ne reste plus de
dentifrice. J’ai aussi du savon à
lessive et des essuie-tout pour un bon bout de temps.
Il y a
du monde partout. Je me sens harcelée
par les autres paniers d’épicerie. On
s’impatiente derrière moi, on tente de me contourner, on me frôle, on
m’accroche, plein de paniers me touchent sans mon consentement. On me dépasse par la droite, on me coupe, je
n’ai définitivement plus d’espace personnel, ma bulle crève de partout. Je suis peut-être agoraphobe, au fond (ou panierophobe). Je ne comprends pas les
codes de la circulation avec gros paniers, je peine à trouver ma voie, je suis
très malhabile pour le zigzagage dans
les allées et j’ai fucking chaud. Et c’est seulement à ce moment que je pense à
enlever mon manteau d’hiver et à le foutre dans mon panier, ce n’est pas comme
s’il manquait de place.
J’arrive
dans la section des vêtements avec le sourire de la chasseuse d’aubaines
passablement flétri. Mais je trouve
chaussure à mon pied ; du linge pour mes enfants, et pour moi. C’est mon moment de grâce. C’est fou comme un pantalon de yoga et deux
ou trois camisoles assorties peuvent me revigorer le sourire. Je me trouve ensuite un livre. Super. J’en oublie presque les attaques de
paniers. Mais je commence à être
fatiguée. Je ne suis même pas encore
rendue à la section bouffe.
En m’y dirigeant, mon regard s’accroche un
peu partout : chaises de plage (ah oui, les miennes sont vieilles), petites
bouchées à déguster (ça sent bon, j’ai faim), des casseroles (ah oui,
pratique), disons que ce n’est pas un endroit pour quelqu’un qui a un déficit
d’attention. Je m’attarde sur un méga
paquet de batteries. Wow ! Ça serait
pratique ça, on manque toujours de batteries.
Je prends le paquet dans mes mains.
Trente dollars, j’imagine que ce n’est pas cher pour la quantité de
batteries qu’il y a. Mais là, j’hésite, est-ce qu’on utilise plus des triple A
ou des double A ? Je pense que c’est des double A, mais je ne suis pas certaine. Je pourrais peut-être prendre les deux
paquets ? C’est garanti dix ans. Humm. Soixante dollars de batteries, pas loin
de cent dollars avec les taxes. Et là,
j’ai comme un genre de blocage dans mon cerveau qui s’opère. Non, je ne vais pas dépenser autant d’argent
pour des batteries, pas tout d’un coup en-tout-cas. Le même montant, répartit sur plusieurs
années, me semble moins grotesque. Je
remets les batteries dans l’étalage.
Tant pis, je vais continuer d’enlever les batteries de la télécommande
pour les mettre dans la voiture téléguidée des enfants et vice-versa.
J’arrive
finalement à la bouffe complètement épuisée.
Je ne souris plus du tout. Je
n’ai même pas la force de me rendre jusqu’aux fruits et légumes. In extrémis, je prends un méga sac de Pretzel et une boîte de céréale géante
et je me dirige vers les caisses. J’ai
envie de pleurer, cela doit bien faire deux heures que je suis dans le magasin.
De
retour chez-moi, je dois faire une sieste pour me remettre de mes
émotions. Je m’endors en regardant du
coin de l’œil ma boîte de céréale et mon sac de Pretzel restés sur le comptoir, mon garde-manger étant beaucoup
trop petit pour pouvoir les contenir.
jeudi 14 février 2019
En route vers l'adolescence
Tranquillement, tout
doucement, à coup de sauts d’humeurs, de yeux levés au ciel, de « Tu ne comprends pas !!! »,
l’adolescence se rapproche, elle se pointe le bout du nez (pas la mienne là,
Dieu soit loué, mais bien celle de mon fils aîné).
Je le regarde, accroupi sur la chaise berçante à s’agiter
et à rigoler, chaise dans laquelle je l’ai allaité à quelques jours de
vie. Je me rappelle aussi mes retours du
travail lorsqu’il avait à peine deux ans et qu’il courrait vers moi « Mamaaaaaan !!! » et
maintenant, c’est moi qui doit me rendre au salon, ouvrir la porte, le saluer
et j’ai le droit à un : « Salut
m’an », ses yeux demeurant rivés sur le téléviseur 4K.
On est passé des gagagaga avec
un sourire à deux dents au blablabla
avec un roulement des yeux pour se moquer de moi lorsque je donne des
consignes. L’emploi d’adverbes tout en nuance, typiques à l’adolescence, a
également débuté : tu ne m’écoutes JAMAIS, tu ne comprends RIEN, c’est
TOUJOURS de ma faute.
Ah, l’adolescence, période trouble s’il en est une. Pour ma part, je n’en garde pas de très bons
souvenirs, quelque uns, certainement, ici et là, mais de façon générale,
c’était plutôt comme une longue traversée du désert. Chaque année amenait son lot de souffrances,
de mal-être, de spasme de vivre.
Première secondaire : le
traumatisme.
Être toute petite dans un
monde de grands boutonneux nouvellement velus. Être encore une enfant. La fin de semaine, je jouais aux poupées, la
semaine, je regardais mes contemporains frencher
avec la langue dans la cour d’école avec perplexité. Je me souviens encore
des longs couloirs tapissés de casiers, suffocants et aliénants, des cadenas à
numéros (34-11-43, je me rappelle encore de ma combinaison tellement j’avais
peur de l’oublier), de la cafétéria, immense et déprimante.
Deuxième secondaire : se
fondre dans la masse.
Tentative désespérée de suivre
la mode, d’être comme les autres, d’écouter ce qu’il faut écouter, de regarder
ce qu’il faut regarder, de dire ce qu’il faut dire. Je me rappelle encore du Metallica en lettres noires d’écrit sur le revers de mon agenda, je
ne savais même pas c’était quoi ça, Metallica.
Je me souviens des body-suit (pour un
maximum d’inconfort) et des chandails avec des trous aux épaules (qui sont revenus
à la mode, incroyable !).
Troisième secondaire :
les hormones.
J’avais un prof qui disait
que, dans une classe de secondaire trois, ça sent les hormones à plein
nez. Tomber amoureuse de quelqu’un qui
ne te remarque même pas. Faire
tressaillir quelqu’un qui ne t’intéresse pas.
Se demander si ce sentiment sera réciproque un jour. Se chercher.
Ne plus trop savoir où l’on est et où l’on s’en va. Repousser tout ce qui vient de ses parents
pour se le réapproprier dix ans plus tard.
Être mal dans ce corps qui se transforme.
Quatrième secondaire : le
constat d’échec.
Se rendre à
l’évidence que notre adolescence ne sera pas comme dans les films :
festive, frivole, pleine d’amies et d’amoureux.
Notre adolescence aura été terne et angoissée, pleine de doute et de
solitude. Commencer à se
responsabiliser. Comprendre que la vie
peut être difficile, que notre chemin n’est pas tracé d’avance, qu’il faut le
débroussailler soi-même. Entrevoir, par
bref moment, l’adulte que l’on pourrait devenir. Ne pas vouloir devenir un adulte plate, tout,
mais pas ça. Rêver à l’enfance, qui
n’est plus qu’un lointain souvenir, rêver à ses vingt ans, lorsque nous serons
complètement libres.
Cinquième secondaire : la
délivrance.
Sweet
sixteen. Enfin,
l’âge adulte est à nos portes. L’envol
n’est plus très loin. Mais s’envoler
pour aller où ? Être grisée devant
l’infinitudes des possibilités et en être à la fois apeurée. Que faire de sa vie ? Qui écouter ?
Comment s’y prendre ? Vouloir
quitter ses parents, mais ne pas s’avouer avoir encore besoin d’eux. Tenter de faire taire la peur qui gronde en
soi.
Il faudra que mon fils traverse tout ça. Cinq années, c’est tout court sur papier,
mais si long dans la vraie vie. J’ai le
sentiment qu’à chaque année qui passera, il me glissera toujours un peu plus
des mains, qu’il me faudra le laisser aller avec tout ce que cela demande de
lâcher prise et de confiance. Le laisser
affronter la vie, faire ses choix, en espérant qu’il ait ce qu’il faut dans son
petit baluchon que j’aurai tenté de garnir au fil des années passées avec lui.
Le laisser partir.
Réaliser
qu’il se détache un peu plus de moi à chaque jour qui passe.
jeudi 7 février 2019
La vie ordinaire
Est-ce
que je suis ordinaire ? C’est certain que j’ai le goût de dire que non,
personne n’a le goût d’être juste ordinaire.
Mais force est de constater que je suis plus du côté des ordinaires que
des extraordinaires.
Est-ce
que je suis satisfaite de cette ordinairité
? Là est la question. Grande question. Est-ce que je rêve d’avoir une vie plus
extraordinaire ? Ouin, je dois avouer que ça m’arrive. Je m’imagine parfois en Magalie
Lépine-Blondeau. Je me demande ce que ça
fait d’être belle de même. Puis je
m’imagine en Véronique Cloutier. Je me
demande ce que ça fait d’être riche de même. Ensuite, je m’imagine en Maire-Mai. Je me demande ce que ça fait d’être populaire
de même. Et je m’imagine aussi en Denise Bombardier. Je me demande ce que ça fait d’être
intelligente de même. J’ose à peine
m’imaginer en Céline Dion, ou en une autre grande vedette internationale, en
fait je n’arrive à rien imaginer tellement c’est loin de ma réalité.
La
gloire. La reconnaissance. La popularité. On sait tous que ça ne rend pas
nécessairement heureux, qu’il y a même un revers et une rançon à tout ça. Mais on y pense quand même. Avouez.
On a tous déjà rêvé à notre cinq minutes de gloire, certains y ont même
déjà goûté et y ont même pris goût. Que
ce soit une présentation au travail qui a particulièrement bien fonctionnée, la
participation à un vox-pop pour la télé, la radio étudiante, un spectacle de
fin d’année à l’école, la présidence de sa classe au primaire, la monopolisation
de la piste de danse ou d’un karaoké, l’animation du party de famille ou de
bureau. Chacun trouve son moment. Chacun tente de sortir un peu de son ordinarité.
Ordinaire :
dont
la qualité ne dépasse pas le niveau moyen le plus courant : qui n’a aucun
caractère spécial, qui n’a rien d’exceptionnel.
Banal, quelconque, médiocre.
Ah!
Voilà donc ce qui me dérange quand l’on parle « du monde ordinaire »,
de ceux « qui ne dépassent pas le niveau moyen », ça sonne péjoratif
dans mes oreilles, ça sonne pour le monde pas très intelligent, pas très beau,
pas très riche. Ça sonne méprisant. Je
parle « pour le monde ordinaire ».
Pour les médiocres et les quelconques de ce monde ? Pour une autre
classe d’êtres humains ?
Ordinaire
par rapport à quoi, à qui ? Aux Magalie Lépine-Blondeau, Véronique Cloutier,
Marie-Mai et Denise Bombardier de ce monde ?
Tout le mode dépasse, dans un certain domaine, à sa façon « le
niveau moyen » (bon, j’avoue que pour certains c’est moins évident que
pour d’autres).
On a
tous une part d’ordinaire et d’extraordinaire en nous. On fait tous des trucs ordinaires parfois et
des trucs plus extraordinaires d’autres fois.
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