jeudi 24 mai 2018

Parce que les livres, ce n'est pas cool





            Je ne sais plus à quoi ça ressemble des jeunes dans une polyvalente.  Mais je sais à quoi ça ressemblait à l’époque où moi j’y étais.  Une école secondaire de région tout ce qu’il a y de plus ordinaire.  Une école publique, bien entendu.  Je ne sais pas non plus si on peut faire un lien boiteux entre ce que j’ai vécu à l’époque et le taux de décrochage scolaire actuel, mais je vais quand même le faire.  Quand j’étais au secondaire, avoir la lecture comme passe-temps, ce n’était pas très tendance.  Il valait mieux être un sportif ou un artiste.  Être dans le club d’athlétisme, remporter des médailles, participer à des tournois la fin de semaine, s’entraîner le midi et après l’école, ça c’était digne de mention.  Faire partit du spectacle annuel de fin d’année, gratter de la guitare, pousser de la corde vocale, danser habiller en noir avec des masques de couleur, là, tes pairs pouvaient te respecter et aspirer à être ton ami.  Mais étudier et être bon à l’école, WOUAAAAAAACH !!!! Un nerd. Une bolée. Tout, mais pas ça.  Dans mon temps, bien réussir t’amenait le mépris de tes contemporains.  Étudier ? Faire ses devoirs ? Autant dire adieu aux plaisirs, au bonheur, à la vie en général. Aïe !!! Fuck the school !!!
            « Ostie de bolée ! » Le nombre de fois où je l’ai entendu celle-là. À chaque fois qu’on voyait un 90% d’affiché sur ma feuille, que dis-je, même un 80% était parfois suffisant.  Aveu : il m’arrivait de cacher ma copie et lorsqu’on me demandait combien j’avais eu, je disais 72% pour qu’on me fiche la paix.  Aveu encore plus troublant : j’ai déjà fait une erreur volontaire dans un examen de biologie parce que je savais que sinon j’aurais 100% pis que je me ferais écœurée avec ça.  Il fallait être fait fort, à mon école secondaire, pour assumer ses bonnes notes.   Quand la réussite scolaire est non seulement pas valorisée pantoute, mais qu’elle est en plus un motif d’intimidation, c’est clair qu’il y a un problème.
 Pour qu’elle soit valorisée, il faudrait que la réussite scolaire soit cool.  Aussi cool que de jouer du drum ou de compter un but gagnant. Mais faire des phrases complètes et écrire sans faute d’orthographe, c’est loin d’être aussi flamboyant. Entre moi, qui réussit la première à résoudre un problème de mathématique complexe, et l’autre, qui réussit à frencher le grand Martin dans le fond de la rangée de casier, je vous laisse deviner qui sera applaudit.
            Ça me fait toujours rire quand je vois des parents si fiers que leurs tout-petits de 3, 5, 7 ou 8 ans s’intéressent aux livres, « Ah! Moi, ma fille, elle aime assez les livres.  Je n’arrête pas de lui en acheter. Je ne fournis pas. »  Et dans 10 ans, la même petite fille aura grandi et aimera encore autant les livres, mais là ça ne sera plus la même histoire.  Les parents ne diront plus à qui veut l’entendre que leur fille passe ses journées à lire.  On verra dorénavant cela comme une tare.  On s’inquiètera qu’elle soit solitaire, qu’elle ne préfère pas les fêtes aux bouquins.  On souhaitera qu’elle s’intéresse à autre chose, qu’elle sorte de son monde imaginaire.  Elle ne sera plus dans le coup.
            « Ce n’est pas tout dans la vie d’être bon à l’école ».  C’est vrai.  Mais ce n’est pas avec ce genre de phrases qu’on va donner envie aux jeunes de réussir.
           

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