Tranquillement, tout
doucement, à coup de sauts d’humeurs, de yeux levés au ciel, de « Tu ne comprends pas !!! »,
l’adolescence se rapproche, elle se pointe le bout du nez (pas la mienne là,
Dieu soit loué, mais bien celle de mon fils aîné).
Je le regarde, accroupi sur la chaise berçante à s’agiter
et à rigoler, chaise dans laquelle je l’ai allaité à quelques jours de
vie. Je me rappelle aussi mes retours du
travail lorsqu’il avait à peine deux ans et qu’il courrait vers moi « Mamaaaaaan !!! » et
maintenant, c’est moi qui doit me rendre au salon, ouvrir la porte, le saluer
et j’ai le droit à un : « Salut
m’an », ses yeux demeurant rivés sur le téléviseur 4K.
On est passé des gagagaga avec
un sourire à deux dents au blablabla
avec un roulement des yeux pour se moquer de moi lorsque je donne des
consignes. L’emploi d’adverbes tout en nuance, typiques à l’adolescence, a
également débuté : tu ne m’écoutes JAMAIS, tu ne comprends RIEN, c’est
TOUJOURS de ma faute.
Ah, l’adolescence, période trouble s’il en est une. Pour ma part, je n’en garde pas de très bons
souvenirs, quelque uns, certainement, ici et là, mais de façon générale,
c’était plutôt comme une longue traversée du désert. Chaque année amenait son lot de souffrances,
de mal-être, de spasme de vivre.
Première secondaire : le
traumatisme.
Être toute petite dans un
monde de grands boutonneux nouvellement velus. Être encore une enfant. La fin de semaine, je jouais aux poupées, la
semaine, je regardais mes contemporains frencher
avec la langue dans la cour d’école avec perplexité. Je me souviens encore
des longs couloirs tapissés de casiers, suffocants et aliénants, des cadenas à
numéros (34-11-43, je me rappelle encore de ma combinaison tellement j’avais
peur de l’oublier), de la cafétéria, immense et déprimante.
Deuxième secondaire : se
fondre dans la masse.
Tentative désespérée de suivre
la mode, d’être comme les autres, d’écouter ce qu’il faut écouter, de regarder
ce qu’il faut regarder, de dire ce qu’il faut dire. Je me rappelle encore du Metallica en lettres noires d’écrit sur le revers de mon agenda, je
ne savais même pas c’était quoi ça, Metallica.
Je me souviens des body-suit (pour un
maximum d’inconfort) et des chandails avec des trous aux épaules (qui sont revenus
à la mode, incroyable !).
Troisième secondaire :
les hormones.
J’avais un prof qui disait
que, dans une classe de secondaire trois, ça sent les hormones à plein
nez. Tomber amoureuse de quelqu’un qui
ne te remarque même pas. Faire
tressaillir quelqu’un qui ne t’intéresse pas.
Se demander si ce sentiment sera réciproque un jour. Se chercher.
Ne plus trop savoir où l’on est et où l’on s’en va. Repousser tout ce qui vient de ses parents
pour se le réapproprier dix ans plus tard.
Être mal dans ce corps qui se transforme.
Quatrième secondaire : le
constat d’échec.
Se rendre à
l’évidence que notre adolescence ne sera pas comme dans les films :
festive, frivole, pleine d’amies et d’amoureux.
Notre adolescence aura été terne et angoissée, pleine de doute et de
solitude. Commencer à se
responsabiliser. Comprendre que la vie
peut être difficile, que notre chemin n’est pas tracé d’avance, qu’il faut le
débroussailler soi-même. Entrevoir, par
bref moment, l’adulte que l’on pourrait devenir. Ne pas vouloir devenir un adulte plate, tout,
mais pas ça. Rêver à l’enfance, qui
n’est plus qu’un lointain souvenir, rêver à ses vingt ans, lorsque nous serons
complètement libres.
Cinquième secondaire : la
délivrance.
Sweet
sixteen. Enfin,
l’âge adulte est à nos portes. L’envol
n’est plus très loin. Mais s’envoler
pour aller où ? Être grisée devant
l’infinitudes des possibilités et en être à la fois apeurée. Que faire de sa vie ? Qui écouter ?
Comment s’y prendre ? Vouloir
quitter ses parents, mais ne pas s’avouer avoir encore besoin d’eux. Tenter de faire taire la peur qui gronde en
soi.
Il faudra que mon fils traverse tout ça. Cinq années, c’est tout court sur papier,
mais si long dans la vraie vie. J’ai le
sentiment qu’à chaque année qui passera, il me glissera toujours un peu plus
des mains, qu’il me faudra le laisser aller avec tout ce que cela demande de
lâcher prise et de confiance. Le laisser
affronter la vie, faire ses choix, en espérant qu’il ait ce qu’il faut dans son
petit baluchon que j’aurai tenté de garnir au fil des années passées avec lui.
Le laisser partir.
Réaliser
qu’il se détache un peu plus de moi à chaque jour qui passe.
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