jeudi 14 février 2019

En route vers l'adolescence



Tranquillement, tout doucement, à coup de sauts d’humeurs, de yeux levés au ciel, de « Tu ne comprends pas !!! », l’adolescence se rapproche, elle se pointe le bout du nez (pas la mienne là, Dieu soit loué, mais bien celle de mon fils aîné).
            Je le regarde, accroupi sur la chaise berçante à s’agiter et à rigoler, chaise dans laquelle je l’ai allaité à quelques jours de vie.  Je me rappelle aussi mes retours du travail lorsqu’il avait à peine deux ans et qu’il courrait vers moi « Mamaaaaaan !!! » et maintenant, c’est moi qui doit me rendre au salon, ouvrir la porte, le saluer et j’ai le droit à un : « Salut m’an », ses yeux demeurant rivés sur le téléviseur 4K.  On est passé des gagagaga avec un sourire à deux dents au blablabla avec un roulement des yeux pour se moquer de moi lorsque je donne des consignes. L’emploi d’adverbes tout en nuance, typiques à l’adolescence, a également débuté : tu ne m’écoutes JAMAIS, tu ne comprends RIEN, c’est TOUJOURS de ma faute.
            Ah, l’adolescence, période trouble s’il en est une.  Pour ma part, je n’en garde pas de très bons souvenirs, quelque uns, certainement, ici et là, mais de façon générale, c’était plutôt comme une longue traversée du désert.  Chaque année amenait son lot de souffrances, de mal-être, de spasme de vivre.
Première secondaire : le traumatisme.
Être toute petite dans un monde de grands boutonneux nouvellement velus. Être encore une enfant.  La fin de semaine, je jouais aux poupées, la semaine, je regardais mes contemporains frencher avec la langue dans la cour d’école avec perplexité. Je me souviens encore des longs couloirs tapissés de casiers, suffocants et aliénants, des cadenas à numéros (34-11-43, je me rappelle encore de ma combinaison tellement j’avais peur de l’oublier), de la cafétéria, immense et déprimante.
Deuxième secondaire : se fondre dans la masse.
Tentative désespérée de suivre la mode, d’être comme les autres, d’écouter ce qu’il faut écouter, de regarder ce qu’il faut regarder, de dire ce qu’il faut dire.  Je me rappelle encore du Metallica en lettres noires d’écrit sur le revers de mon agenda, je ne savais même pas c’était quoi ça, Metallica. Je me souviens des body-suit (pour un maximum d’inconfort) et des chandails avec des trous aux épaules (qui sont revenus à la mode, incroyable !).
Troisième secondaire : les hormones.
J’avais un prof qui disait que, dans une classe de secondaire trois, ça sent les hormones à plein nez.  Tomber amoureuse de quelqu’un qui ne te remarque même pas.  Faire tressaillir quelqu’un qui ne t’intéresse pas.  Se demander si ce sentiment sera réciproque un jour.  Se chercher.  Ne plus trop savoir où l’on est et où l’on s’en va.  Repousser tout ce qui vient de ses parents pour se le réapproprier dix ans plus tard.  Être mal dans ce corps qui se transforme.
Quatrième secondaire : le constat d’échec.
Se rendre à l’évidence que notre adolescence ne sera pas comme dans les films : festive, frivole, pleine d’amies et d’amoureux.  Notre adolescence aura été terne et angoissée, pleine de doute et de solitude.  Commencer à se responsabiliser.  Comprendre que la vie peut être difficile, que notre chemin n’est pas tracé d’avance, qu’il faut le débroussailler soi-même.  Entrevoir, par bref moment, l’adulte que l’on pourrait devenir.  Ne pas vouloir devenir un adulte plate, tout, mais pas ça.  Rêver à l’enfance, qui n’est plus qu’un lointain souvenir, rêver à ses vingt ans, lorsque nous serons complètement libres.
Cinquième secondaire : la délivrance.
Sweet sixteen.  Enfin, l’âge adulte est à nos portes.  L’envol n’est plus très loin.  Mais s’envoler pour aller où ?  Être grisée devant l’infinitudes des possibilités et en être à la fois apeurée.  Que faire de sa vie ?  Qui écouter ?  Comment s’y prendre ?  Vouloir quitter ses parents, mais ne pas s’avouer avoir encore besoin d’eux.  Tenter de faire taire la peur qui gronde en soi.
            Il faudra que mon fils traverse tout ça.  Cinq années, c’est tout court sur papier, mais si long dans la vraie vie.  J’ai le sentiment qu’à chaque année qui passera, il me glissera toujours un peu plus des mains, qu’il me faudra le laisser aller avec tout ce que cela demande de lâcher prise et de confiance.  Le laisser affronter la vie, faire ses choix, en espérant qu’il ait ce qu’il faut dans son petit baluchon que j’aurai tenté de garnir au fil des années passées avec lui.
            Le laisser partir.
Réaliser qu’il se détache un peu plus de moi à chaque jour qui passe.

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