jeudi 17 janvier 2019

La théorie du chaos




            Aujourd’hui, 29 décembre 2018, à 2 jours de la nouvelle année, je considère ma vie comme un chaos.  Mes vacances de Noël sont un chaos.  Cette journée en est un exemple parfait.
            Ma maison est un chaos.  On est post-réveillon de Noël et pré-veille du jour de l’An.  Toute la journée je trouverai des bouts de papiers d’emballage aux quatre coins de la maison, des rubans pris autour des pattes de chaise, des choux écrapous dans le craques du sofa.  Il y a aussi les nouveaux jouets des enfants qui couvrent presque l’entièreté du plancher et que je n’ose pas ranger, question de rentabiliser nos cadeaux de Noël.  Il y a des Lego partout, PARTOUT.  Planchers, table de la cuisine, divans, comptoirs, tabourets…mélangés avec des aiguilles de sapin et des bouts de canne de bonbon.  Il y a aussi des bas tout fripés qui décorent la maison.  Pas des bas de Noël, des vrais bas.  Les bas de mon fils cadet qu’il prend toujours soin d’enlever dès qu’il entre dans la maison et qu’il laisse choir chaque fois à un endroit différent que je ne découvre parfois que quelques jours plus tard.
            Mes pensées sont un chaos.  Je n’arrive pas à mettre mes idées en place.  Je commence à réfléchir à un sujet puis mon esprit bifurque et je me mets à penser à autre chose et je vogue ainsi d’un sujet à l’autre, sans rien régler, sans prendre aucune décision.  Mes pensées se heurtent les unes contre les autres, comme les cris de mes enfants qui rebondissent contre les murs de la maison.  Je tente de penser à un menu pour notre réception du 31 décembre (réception, j’aime ça dire ça, mais on s’entend que c’est juste un souper entre amis), je n’arrive pas à faire un choix, tout me tente et rien à la fois.  Je vais à ma boucherie locale pour m’inspirer un peu, mais tout ce que je réussis à faire c’est déambuler dans le magasin l’air complètement perdue, ne sachant absolument pas ce que je cherche.  Je finis par quitter le magasin avec deux pots de bouillon de poulet maison.  Je ne sais pas ce que je vais faire avec ça, mais on a toujours besoin de ça du bouillon de poulet, que je me dis.  Je devrai retourner à la boucherie quelques heures plus tard une fois mon choix fait, comme une vraie débile mentale.
            Mes enfants sont un chaos perpétuel.  Ils peuvent jouer tranquillement ensemble dans ce qui ressemble à une harmonie fraternelle, un genre de beau moment familial, quand tout d’un coup, tout dérape.  Un cri perçant venu du tréfonds du salon : « Arrêêêêête !!!!!! », puis la réplique « C’est à moi !!!!!! », des bruits étouffés, des pleurs qui se transforment en cris de rage « Je vais t’arracher la tête gros con !!!!! ».  Une poursuite.  Des objets qui volent et revolent.  La maison qui tremble.  Le ciel bleu des vacances vient de s’assombrir.  C’est la perte de contrôle.  Je ne peux pas crier pour les arrêter, ils crient plus fort que moi.  Je dois tenter de les contenir physiquement.  Pour ça, je dois d’abord les attraper.  Un, pour commencer, et le mettre dans sa chambre pour qu’il retrouve un peu ses esprits.  Puis l’autre.  Je ne pourrai jamais faire la suite exacte des événements ayant mené à cette catastrophe, mais je pense que tout a débuté avec un orteil écrasé par mégarde.  Mes enfants sont un système dynamique dont l’équilibre est pour le moins précaire.  Quand l’équilibre est atteint, si le moindre paramètre est modifié, une tempête peut éclater en moins de temps qu’il ne le faut pour le dire.  Tout comme le mouvement des masses d’air, de petites perturbations peuvent s’amplifier rapidement si rien n’y fait obstacle.
            Mon couple devient par conséquent un chaos lui aussi.  Tout ce bruit et cette énergie non-canalisée embrouillent encore davantage mes pensées et lorsque mon chum me pose des questions demandant un tant soit peu de réflexion, je m’impatiente, je lui dis que ce n’est pas le temps de parler de ça.  Et lui de me répondre que ce n’est jamais le temps avec moi.  Et moi de lui dire qu’il exagère. Et ainsi de suite.  La liste d’épicerie que nous tentons de faire une fois que je me suis branchée côté souper du jour de l’An en est un exemple pathétique :
-       Est-ce qu’il reste des croûtons, dis-je.
-       Ben, ça doit, tu en achètes toujours trop, qu’il me répond.
-       C’est pas si grave, ça se garde longtemps des croûtons.  Pis, est-ce qu’on a encore des croûtons ?
-       ÇA FAIT MAL ESPÈCE D’IMBÉCILE (cri d’enfant qui perce les tympans).
-       J’ai pas compris à cause des cris.  Alors, oui ou non, les croûtons ?
-       Oui, un fond de sac.
-       Un fond de sac c’est pas assez, je vais acheter un autre sac.
-       T’es certaine qu’on ne va pas les gaspiller ?
-       Oui… (d’un ton exaspéré) …Est-ce…
-       MAMAN, MON AUTO EST BRISÉE.  IL FAUT QUE TU M’AIDES À LA RÉPARER !!!!!
-       Pas tout de suite chéri, je discute avec papa.
-       NON !!!! TOUT-DE-SUITE !!!!!
-       Non, je dois finir cette liste d’épicerie avec papa.
-       TU NE VEUX JAMAIS M’AIDER !!!!
-       Ce n’est pas vrai, je veux juste terminer ce que je suis en train de faire avec papa, c’est important. Donc, est-ce qu’il reste des patates ?
-       Oui, un sac plein.  Pourquoi des patates déjà ?
-       Pour le cipaille, je te l’ai dit tantôt.
-       Sois pas bête, je ne m’en souvenais plus.
-       Je ne suis pas bête, je suis fatiguée de toujours répéter.
-       Bon, bon, bon. TOUJOURS répéter, tu n’exagères pas un peu là ?
-       MAMAN, J’AI TOUT RENVERSÉ MON JUS !!!!
-       UN INSTANT, JE VEUX JUSTE FAIRE MA LISTE D’ÉPICERIE !!!!

Le battement d’aile d’un papillon au Brésil qui peut déclencher une tornade au Texas.  Ou l’orteil écrasé d’un enfant qui peut faire crier à une mère qu’elle veut faire sa liste d’épicerie.
           

Aucun commentaire:

Publier un commentaire