J’aimerais
te dire (et me dire à moi-même d’abord, encore et encore, car il y a de ces
choses si faciles à oublier dans la course du quotidien), j’aimerais te dire
donc, qu’un enfant de deux ans sera toujours attiré par un trou d’eau, comme
les mouches noires par le sang humain au mois de mai, qu’il voudra
inévitablement se mettre les deux pieds dedans et s’éclabousser avec joie. Oui, ses habits seront un peu trempés (OK,
beaucoup trempés) et il aura peut-être un peu froid après, mais laisse-le donc
aller à cette découverte de l’eau qui revole et virevolte en mille petits
éclats, regarde ses yeux qui brillent au lieu de ses vêtements qui dégoulinent.
J’aimerais
aussi te dire que tu n’as pas de besoin de demander à ton enfant de 4 ans de
réciter son alphabet par cœur pour me montrer à quel point il est
intelligent. Je le sais déjà. Je le sais, car je le vois regarder les
enfants plus vieux et tenter de les imiter.
Je le sais, car je le vois recommencer mille fois son pont avec des
blocs pour qu’il soit plus solide. Je le
sais parce qu’il vient me voir, qu’il me parle de ce qui l’intéresse, qu’il me
pose des questions.
J’aimerais
également te dire que cela ne sert à rien d’humilier ton enfant en public pour
démontrer que c’est bien toi le patron et que tes enfants, ce ne sont pas des
enfants rois.
J’aimerais
te dire que lorsque je te croise à l’épicerie et que ton enfant fait une crise
parce que tu lui a interdit de taponner les poires et les pêches, je ne te juge
pas, je compatis avec toi. Et même si tu
lui dis non et que, finalement, tu changes d’idée et que tu le laisses faire,
je ne te juge pas non plus, je sais qu’éduquer un enfant partout, tout le
temps, c’est exigeant.
J’aimerais
te dire que je ne crois pas que tu sois un parent négligent parce que les
habits de ton enfant ne sont pas propres-propres. Des marques de crayon sur le chandail, du
sable plein les souliers, des taches de gazon sur les pantalons, moi, tout ce
que je vois, c’est un enfant qui s’est bien amusé. Même s’il est décoiffé et que sa salopette
est toute croche, l’important c’est qu’il soit souriant, non ?
J’aimerais
aussi te dire que ton enfant peut bouger au restaurant ou dans un lieu public,
que tu n’as pas à en être gêné. J’aime
mieux voir ton enfant allumé et vibrant, bruyant, oui, peut-être, plutôt
qu’immobile et hypnotisé devant sa tablette, absent au monde qui l’entoure.
J’aimerais
également te dire que je me fous de l’âge à lequel ton enfant a marché ou
parlé. Tu n’as pas à te justifier du
comment ou du pourquoi il ne marchait pas encore à 12 mois ni de pourquoi il confond
encore le bleu et le vert. Tu n’as pas à
me dire qu’il est craintif, paresseux, têtu, indépendant, que c’est un peu de
ta faute, car toi aussi tu as marché tard et que tu as un oncle daltonien. Ton enfant, il est comme il est, c’est tout.
Ah !
Et j’aimerais hurler que même si ton enfant ne finit pas toute son assiette, je
ne pense pas qu’il est malnutris pour autant et que tu es par conséquent un
mauvais parent. Il ne mange pas ses
légumes en visite, et puis après, c’est la fête, non ? La routine est bousculée, il est dans un
nouvel environnement, il n’a pas à faire plaisir à un étranger en montrant
qu’il est capable de manger des légumes.
J’aimerais
te dire qu’un enfant touchera toujours à ce qu’il ne faut pas qu’il touche,
qu’il tombera endormit au pire moment et qu’il s’éveillera alors que tu tombes
de sommeil. J’aimerais te dire que ton enfant écoutera toujours mieux un
étranger que toi, qu’au moment où tu croiras enfin l’avoir compris, il adoptera
un comportement qui te laissera pantois et que sa ténacité à te contredire t’étonnera
toujours.
J’aimerais
te dire que ton enfant sera toujours ta plus grande fierté...et ton pire
cauchemar.
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