Je pensais que l’entrée à la
maternelle serait ze événement.
L’événement le plus marquant pour mon enfant et moi parmi tous les événements
qui jalonneraient son parcours jusqu’à l`âge adulte. La transition des
transitions. Les balbutiements de la
vraie autonomie et le début des apprentissages avec un grand A. Son premier sac d’école, ses premiers crayons
de couleurs, identifiés chacun individuellement avec amour, son premier
duo-tang rouge à pochettes. Tel devait
être le moment le plus émouvant et bouleversant dans ma vie de mère. Mais non. Un autre est venu lui rafler la
vedette, le pousser dans un coin, remuant encore plus d’émotions sur son
passage : l’entrée au secondaire.
L’arrivée dans le monde des responsabilités et des tâches
sérieuses. L’abandon graduel de
l’univers ludique et récréatif. Le
premier constat de mon ado : « Maman ! Il n’y a pas de jeux dans la
cour d’école ! Tout ce qu’on peut faire c’est marcher et discuter ! ». Le prof d’anglais parle juste en anglais, le
prof de sciences parle trop vite, la prof d’art peut parler une heure sans
s’arrêter.
Mon
fils a également fait la rencontre de l’angoissant cadenas à numéro. Après sa première journée d’école, il est ressorti
de son lit à vingt-deux heures en me disant qu’il voulait encore se pratiquer à
ouvrir son cadenas. Ma gorge se noua à
ce moment-là ; je fis un bond en arrière de trente ans et me rappelai ma propre
angoisse cadenassée au même âge. En
fait, je ne me contentai pas de m’en rappeler, je la revécus, comme si j’y
étais, je sentis presque le curseur du cadenas sous mes doigts exécuter des
tours et des demi-tours de 24 à 11 à 43.
Mon fils m’avoua aussi sa peur, à chaque soir en quittant l’école,
d’oublier quelque chose d’important. Je me remémorai alors mes propres
tourments d’étudiante : les cauchemars récurrents d’être passée tout droit
le matin d’un examen, la crainte de pénétrer dans la mauvaise salle de classe,
l’appréhension face à tous les travaux à remettre en même temps. Toutes ces
émotions revinrent me visiter, comme si elles ne m’avaient jamais quittée.
Le secondaire, c’est aussi la fin du confort
des pantalons de jogging portés à l’année.
Dorénavant, tu dois les trimbaler dans un sac à part. Et ne pas oublier
ledit sac. Où va-t-on se changer ?
Comment cela va-t-il fonctionner ? Est-ce que je dois amener mon
déodorisant ?
Et le
temps qui s’accélère. Les récréations
qui n’existent plus vraiment. Les cours qui s’enchaînent. Le début des préoccupations. Mon garçon, du haut de ses douze ans, qui
doit maintenant affronter la vie et répondre aux attentes. La perte de cette pureté d’âme et spontanéité
de l’enfance. Le début d’une vie où l’on
devient hyper conscient de tout : de soi, des autres, des normes, des
possibilités, des contraintes. Un monde
où l’avenir commence à exister. Un monde
où le moment présent s’effrite de plus en plus. Après sa première semaine de
cours, mon ado s’exclamera : « J’aimerais ça être encore insouciant
comme mon petit frère ! » et de dire aussi « C’est la plus grande
épreuve de toute ma vie ».
La fin
de l’innocence.
Voilà pourquoi,
je crois, cette rentrée au secondaire me bouleverse tant.
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