Le dimanche. Journée paradoxale s’il en est une. Journée ambiguë. Journée mi-figue mi-raisin. Journée de repos et d’appréhension. Journée
de congé avec l’aura de la semaine qui commence.
Durant mon enfance, j’avais le dimanche en horreur. D’abord, c’était le jour de la semaine où je
devais me laver les cheveux. Oui madame,
une fois par semaine et c’était déjà trop pour moi. Il fallait cesser nos jeux extérieurs plus
tôt que le samedi, question de pouvoir prendre son bain ou sa douche avant le
souper. Ark. À 16h le dimanche, c’était
donc le début de la fin de la fin de semaine.
Le plaisir arrêtait à 16h et, en tant qu’anxieuse, je peux dire que mon
plaisir arrêtait bien avant 16h, dans l’anticipation de l’arrêt de plaisir. Envolée, la belle insouciance du samedi, de son
temps élastique, de l’absence de contraintes et de Il faut se coucher tôt parce qu’il y a de l’école demain. L’heure
du coucher était fixée à 20 heures. Je
me rappelle encore de l’intro des Beaux
Dimanches qui sonnait pour moi la fin définitive du week-end. Cette musique résonnait dans ma tête comme un
chant funèbre. Et, à chaque fois,
l’émission qui débutait me semblait d’un ennui mortel, ce qui ajoutait à mon sinistre
sentiment.
Lors de mes études dans la grande ville, le dimanche
était le jour où je requittais le nid familial vers ma vie de
jeune-adulte-qui-doit-apprendre-à-vivre-comme-une-grande-et-faire-face-à-de-nouvelles-responsabilités.
Oh qu’il y avait de l’angoisse dans ce dimanche ! L’angoisse de la semaine
chargée à venir, mais aussi l’angoisse de ma vie en général. Où serais-je une fois mes études terminées,
que m’arriverait-il une fois lancée définitivement dans le vide ?
Aujourd’hui, j’ai tout-de-même le dimanche plus zen. Plus de grandes angoisses, plus de crises de
lavage de cheveux. Mais, lorsque je me
couche le dimanche soir, j’ai tendance à faire un genre de bilan de ma fin de
semaine. Parfois, je me rends compte que
je n’ai pas vraiment vu mon chum de la fin de semaine (je veux dire, on vit
ensemble, mais tsé, avec les enfants et toutes les tâches à faire, on est
ensemble sans vraiment être ensemble, comme des enfants qui jouent en
parallèle). Alors, tout d’un coup, je me
colle sur mon chum et je lui dis que je l’aime, comme pour rattraper les
manquements de la fin de semaine. Ou bien je réalise que je n’ai pas vraiment
pris de temps pour moi alors je lis deux pages de mon roman dans un état de
fatigue extrême pour me faire croire que je prends soin de moi. Ou encore je me dis que je n’ai pas assez
rangé ma maison, alors je me lève et classe deux ou trois papiers pour me
donner bonne conscience. Ou je réalise
que j’ai trop crié après mes enfants et là je me sens coupable parce que je ne
les verrais plus de la semaine, alors je vais embrasser leurs visages endormis
pour me racheter.
Le dimanche, je ne suis jamais complètement libre.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire