vendredi 12 avril 2019

Pensées dominicales



Le dimanche.  Journée paradoxale s’il en est une.  Journée ambiguë.  Journée mi-figue mi-raisin.  Journée de repos et d’appréhension. Journée de congé avec l’aura de la semaine qui commence.
            Durant mon enfance, j’avais le dimanche en horreur.  D’abord, c’était le jour de la semaine où je devais me laver les cheveux.  Oui madame, une fois par semaine et c’était déjà trop pour moi.  Il fallait cesser nos jeux extérieurs plus tôt que le samedi, question de pouvoir prendre son bain ou sa douche avant le souper.  Ark. À 16h le dimanche, c’était donc le début de la fin de la fin de semaine.  Le plaisir arrêtait à 16h et, en tant qu’anxieuse, je peux dire que mon plaisir arrêtait bien avant 16h, dans l’anticipation de l’arrêt de plaisir.  Envolée, la belle insouciance du samedi, de son temps élastique, de l’absence de contraintes et de Il faut se coucher tôt parce qu’il y a de l’école demain. L’heure du coucher était fixée à 20 heures.  Je me rappelle encore de l’intro des Beaux Dimanches qui sonnait pour moi la fin définitive du week-end.  Cette musique résonnait dans ma tête comme un chant funèbre.  Et, à chaque fois, l’émission qui débutait me semblait d’un ennui mortel, ce qui ajoutait à mon sinistre sentiment.
            Lors de mes études dans la grande ville, le dimanche était le jour où je requittais le nid familial vers ma vie de jeune-adulte-qui-doit-apprendre-à-vivre-comme-une-grande-et-faire-face-à-de-nouvelles-responsabilités. Oh qu’il y avait de l’angoisse dans ce dimanche ! L’angoisse de la semaine chargée à venir, mais aussi l’angoisse de ma vie en général.  Où serais-je une fois mes études terminées, que m’arriverait-il une fois lancée définitivement dans le vide ?
            Aujourd’hui, j’ai tout-de-même le dimanche plus zen.  Plus de grandes angoisses, plus de crises de lavage de cheveux.  Mais, lorsque je me couche le dimanche soir, j’ai tendance à faire un genre de bilan de ma fin de semaine.  Parfois, je me rends compte que je n’ai pas vraiment vu mon chum de la fin de semaine (je veux dire, on vit ensemble, mais tsé, avec les enfants et toutes les tâches à faire, on est ensemble sans vraiment être ensemble, comme des enfants qui jouent en parallèle).  Alors, tout d’un coup, je me colle sur mon chum et je lui dis que je l’aime, comme pour rattraper les manquements de la fin de semaine. Ou bien je réalise que je n’ai pas vraiment pris de temps pour moi alors je lis deux pages de mon roman dans un état de fatigue extrême pour me faire croire que je prends soin de moi.  Ou encore je me dis que je n’ai pas assez rangé ma maison, alors je me lève et classe deux ou trois papiers pour me donner bonne conscience.  Ou je réalise que j’ai trop crié après mes enfants et là je me sens coupable parce que je ne les verrais plus de la semaine, alors je vais embrasser leurs visages endormis pour me racheter.
            Le dimanche, je ne suis jamais complètement libre.

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