jeudi 13 septembre 2018

Dans mes crisses de boîtes (partie 2)


On déménage dans 4 jours.  Je n’y arriverai pas (je parle au je, car je fais l’essentiel des boîtes, mon chum, pendant ce temps-là, fait d’autres choses d’utiles, mais pas des boîtes).  Nous sommes littéralement envahis, nous peinons à circuler dans la maison sans nous cogner le gros orteil sur le coin d’une boîte.  J’étouffe.  J’ai chaud.  Je panique.  C’est impossible, il y a trop de placards, trop de sous-sol, trop de souvenirs, trop de « au cas où, ça pourrait être utile un jour… », trop de traîneaux, trop de pelles pour enfants, trop de freeze bee cassés, trop d’ustensiles de cuisine dépareillés, trop de verres de bière (je pense qu’on pourrait recevoir 50 convives et leur offrir chacune leur bière dans un verre), trop de dessins et de bricolage d’enfants, trop de vêtements (mon chum me dit que la compagnie de déménagement qu’on a engagée a prévu trois boîtes garde-robe, je lui réponds que c’est nettement insuffisant, j’en demande six, mon chum pense que j’exagère, finalement j’en remplirai quatre juste avec mon linge, manteaux exclus). Pis Y FA CHAUD !!! Une amie, tel un ange descendu du ciel, nous offre de garder les enfants pour deux jours, le temps de notre déménagement.  Je vais lui être éternellement reconnaissante.  Nous pensions nous, pauvres innocents, que c’était possible de déménager avec des enfants qui courent partout autour des boîtes.
            La veille du grand branle-bas, nous nous sommes mis littéralement à garocher des trucs dans des boîtes n’importe comment (j’ai retrouvé un jeu de quilles pour enfants avec les bottes d’hiver et mon plat à fruit à côté des vieux vinyles de mon chum).  J’ai laissé une brassée dans la sécheuse (moi qui pensais y arriver, au moins une fois dans ma vie, à avoir tout le linge de ma famille plié et rangé, ben non, dans une autre vie peut-être).
            Le jour J est arrivé.  Il faisait chaud, toujours plus chaud.  Douze heures de déménagement.  Découragement maximal.  Même les déménageurs n’en revenaient pas.  Le patron m’a dit que ça ne paraissait pas vraiment que j’avais épuré mes affaires et mon chum en a entendu un dire :
-       Shit ! Quand tu penses que c’est fini, tu en trouves encore !
À un certain moment, ils avaient l’air tellement exténués que j’ai failli leur dire de tout laisser là, sur le gazon, devant la maison, qu’on allait s’en occuper.  Mais ce n’était pas très réaliste : on n’avait pas la moitié de leur force physique.
            Après, est venue l’étape libératrice du défesage de boîtes.  J’ai même instauré un rituel avec mes enfants pour les motiver à déballer leurs propres affaires : à chaque boîte défaite, nous avions le droit de la kicker en bas de l’escalier.  Ce fut un énorme succès.
            Ensuite, je me suis mise à lancer mes vieux livres dans des boîtes, mais pour les donner cette fois-ci.  Cuisiner avec des champignons sauvages ? Allez hop, passer au suivant.
Cela fait maintenant une semaine que nous sommes déménagés, et il y a encore des boîtes partout.  On a beau avoir rempli une remorque au complet de boîtes pour le recyclage, j’ai l’impression qu’on a emménagé hier.  Je pleure.  Je vais mourir ensevelie sous les boîtes.  Je suis tannée de me chercher, tannée de contourner des obstacles pour aller faire pipi, tannée de me dire : « OK, aujourd’hui je vide telle pièce de ses boîtes, c’est un projet prioritaire » et de ne pas y arriver, je suis tannée de regarder mes armoires de façon désespérée en me disant « ça ne rentrera jamais », je suis tannée de laver des affaires (des fonds d’armoires, de la vaisselle avec des traces de papier journal, de la literie qui a servi à emballer des trucs fragiles, un plancher, un plafond, des livres poussiéreux, un bac de plastique enfin vide, prêt à recevoir de nouvelles affaires et notre linge quotidien, bien entendu.  Je ne vois plus la fin de ce déménagement.  Je vois le retour au travail et la rentrée scolaire se pointer le bout du nez et j’hyper ventile légèrement. Mon amoureux dit que je vois tout en noir, il a probablement raison, mais pendant que je me débats avec mes boîtes poussiéreuses, lui, y chill sur son nouveau tracteur à gazon, loin de ses vieilles affaires (avoir autant de vinyles et de CD de Pat Metheny, ça ne se peut juste pas).  Et pour bien enfoncer le dernier clou de mon cercueil, mon fils me dit : « ça ne changera pas grand-chose que tu retournes au travail, de toute façon, tu n’es pas vraiment avec nous, tu es tout le temps en train de faire des boîtes ou de ranger des affaires ».  Bon là, je suis encore de sombre humeur et je me dis que c’est ça la vie d’une maman : sacrifices et manque de reconnaissance.
Bon, j’y retourne, allez, une boîte à la fois, vers de meilleurs lendemains.

 

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