Il paraît que le mieux c’est
de commencer par les livres. Vider les
bibliothèques et les étagères puis mettre les livres dans des boîtes. Des livres, on n’a pas besoin de ça au
quotidien, surtout des livres qu’on a déjà lus.
Je me dis que je pourrais donner les plus vieux, les plus usés, ceux que
j’ai le moins aimés, mais je ne le fais pas, je les garde tous, je trouve ça
beau des livres. À mesure que je les
mets dans des boîtes, je vois ma vie passer.
Les romans policiers de mon adolescence, les lectures obligatoires de
mon court passage en lettres au cégep, mes nombreux romans du début de l’âge
adulte (les études terminées et pas encore d’enfants, ça laisse un peu de temps),
mes livres sur la maternité et sur l’achat d’une première maison, les livres de
Stieg Larsson que j’ai lu en allaitant mon premier enfant qui n’en finissait
plus de boire, Les accoucheuses que
j’ai lu enceinte (très mauvaise idée soit dit en passant), Jane
Eyre de Charlotte Brontë qui m’a bouleversé, lors de mon été aux Îles de la
Madelaine, tous ces livres d’Amélie Nothomb, dont j’admire l’écriture et
l’intelligence à chaque fois, le mari de Mme
Bovary, dont j’espérais ne pas avoir la lâcheté, Les cerfs-volants de Kaboul, que j’ai lu à Cape Code alors que mon
aîné avait 2 ans, Mille Soleils
Splendides, que j’ai lu par la suite et qui demeure l’un de mes livres
préférés, Anna Karénine, dont seul l’orgueil
m’a permis de me rendre jusqu’au bout, Les
Mots pour le dire, de Marie Cardinal, qui traite de la maladie mentale et
qui appartenait à ma mère, les livres de Gabrielle Roy, qui étaient à ma
grand-mère et que je n’ai pas encore lus, honte à moi, les livres de mon père,
plus scientifiques et philosophiques, Albert Jacquard, Hubert Reeves.
Ensuite, j’y vais de façon assez aléatoire, une boîte ou
deux dans la cuisine, une boîte dans la salle de bain, quelques boîtes au
sous-sol. Un ami me conseille d’y aller
de façon plus systématique, genre tu commences une pièce et tu la finis, le
sous-sol d’abord, la cuisine en dernier. Arrk…Je ne suis pas capable de faire
ça, je trouve ça trop ennuyant, j’aime mieux me balader de pièces en pièces,
d’une bibliothèque à une autre, d’une armoire à un fond de tiroir, de varier
entre les petites boîtes et les grosses boîtes, entre les vieilles affaires et
les affaires fragiles. Je tombe sur des
objets que j’ai achetés peu avant de quitter la maison familiale à l’âge de 16
ans. Un grand miroir, un chandelier, un
panier en osier. Je les ai traînés avec
moi pendant plus de 20 ans et ils sont toujours là, toujours beaux, toujours
utiles. Ils vont retourner chez eux,
tout comme moi, après un long détour.
J’ai les larmes aux yeux en pensant aux cinq appartements et aux deux
maisons dans lesquels ces objets m’ont suivie.
Je retrouve également une vieille boucle d’oreille perdue il y plus de
cinq ans. Je suis tellement contente de
retrouver cette boucle d’oreille à 13 $ qu’on dirait que je viens de mettre la
main sur un billet de mille dollars.
J’emballe des cadeaux que j’ai reçus, à chaque fois, je revois le Noël
ou l’anniversaire en question. À bientôt
40 ans, ça en fait des veilles de Noël et des bougies soufflées, j’ose à peine
imaginer à 80 ans ! Il y a aussi de
vieilles affaires de mon enfance que j’ai décidé de garder il y a 10 ans et
qui, déjà aujourd’hui, ne font plus de sens.
Du vieux linge de poupée jauni et à moitié grugé par les souris ? WTF ? Il faudrait que je fasse le ménage de mes
affaires à chaque année, ou à chaque 2 ans, ou 5…mais je trouve toujours
quelque chose de plus intéressant à faire.
Je ne peux pas croire qu’on va réussir à mettre tout ce qu’on a dans des
boîtes, cela me semble surréaliste. Mais
je tente de rester positive, d’y aller une boîte à la fois.
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