La meilleure de toute. Courte et intense. Ma saison préférée. Un pied dans l’hiver et un autre dans le
printemps. Le temps des sucres.
Chaque année, la même fébrilité. Il est 17h30, il fait encore clair. Il est 6h30 le matin, le foyer ne fonctionne
pas et on est bien dans la maison. Pire
encore, les chats veulent sortir dehors, ils grattent la porte, ils le sentent
que le printemps est à nos portes, que l’hiver tire sa révérence. Ils le sentent qu’il fait suffisamment chaud
pour bouder la litière et aller faire leur petite commission à l’extérieur. C’est encore l’hiver, mais plus pour
longtemps. Le manteau se détache en
après-midi, les mitaines reviennent détrempées de l’école, les oiseaux chantent
et le soleil nous réchauffe. La douce
mélodie du ruissellement de l’eau, le chant de la libération, de la vie plus
facile qui refait surface. C’est avec
une joie non feinte que je laisse mon foulard choir un fond de la garde-robe et
que j’enferme mes mitaines au fond de mes poches. Je souris presqu’à chaque rebond de mon auto
sur un nid de poule, car cela signifie que la ligne d’arrivée est en vue. Ça y est, on a réussi, on a survécu à un
autre hiver, les froids sibériens sont maintenant derrière nous.
Le temps des sucres est arrivé, la saison de la boue et de
la neige molle est de retour. Quelle excitation que j’ai de célébrer ce
passage de l’hiver au printemps en entaillant quelques érables pour récolter
leur sève sucrée. Quel bonheur de se lever le matin et de partir à la cabane à
sucre avec mes grosses bottes à vaches doublées, mon pantalon imperméable, ma
chemise de chasse, mes vieux gants troués, mon lunch et mon euphorie
printanière. Quel privilège de pénétrer
dans la cabane à sucre froide et silencieuse, d’y partir un feu, de calibrer le
thermomètre, d’installer les filtres, d’ouvrir les panneaux, de lancer la
machine. Quelle joie de sortir la
vieille chaise berçante en bois de mon père à l’extérieur et de s’y détendre
quelques instants en écoutant la faune qui se réveille. Quelle chance de pouvoir sentir la chaleur
monter tranquillement, de voir la cabane se saturer de vapeur sucrée, de sentir
l’odeur de la terre qui dégèle et celle du sirop enfin prêt. Que d’amusements à regarder cette neige
mouillée qui tombe à gros flocons en sachant pertinemment que c’est peut-être
la dernière de la saison. Quelle
félicité de retourner tout doucement vers la maison à 18h00 et des poussières
encore à la lumière du jour avec deux nouveaux gallon de sirop d’érable, la
peau du visage bronzée et les doigts collés.
C’est ma cinquième saison.
Celle de la fin et du début.
Celle du chaud et du froid. Celle
de l’espoir et de la renaissance. Celle
de mon père. Celle de la famille et des
amis.
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