Comment survivre à ces êtres
dont on peut se sentir si proche et si loin à la fois ? Ces êtres dont le même
sang coule dans nos veines, mais qui nous semblent parfois si étrangers ? Ils
sont dans notre vie depuis si longtemps, connaissent nos moindres défauts, nos
plus grandes qualités, ont connu nombre de nos tourments, de nos blessures, de
nos joies, témoins privilégiés de notre enfance et de notre adolescence. Ils ont été nos partenaires de jeu, nos
confidents, nos plus grands rivaux, l’ennemi à abattre, ils sont comme une
partie de nous-même, issus de la même chaire, ayant été exposé aux mêmes
valeurs, à la même éducation. Et
pourtant.
Combien d’autres personnes a-t-on tirées par les cheveux
avec agressivité, mais également appelées en renfort lors de grandes peines
? Qui d’autre a-t-on déjà traité de grosse conne pour après lui dire une chance que je t’ai ? Un
frère. Une sœur. Une famille.
Source de stabilité et d’enrichissement, mais aussi d’injustices, de
questionnements, de désire de plaire, d’attentes souvent déçues.
Comment survivre à l’aîné, tyrannique et sans pitié ?
Oui, cet aîné qui veut tout contrôler, toujours, tout le temps, qui tient à ses
idées et qui trouvera un moyen de te les faire avaler, coûte-que-coûte. Cet aîné qui est toujours plus grand, plus
fort, qui a toujours une longueur d’avance.
Cet aîné qui fait peur, qui sait comment te faire sentir encore plus petit,
qui a toujours une plus grande étendue d’insultes à sa disposition. Comment
survivre à cet aîné qui a la plus grande chambre, les vêtements les plus neufs,
qui peut se coucher plus tard, mais qui se sent tout-de-même inévitablement
lésé dans ses droits, qui a la perpétuelle impression qu’on le néglige et qu’on
l’aime moins ?
Comment survivre au cadet, charmeur et manipulateur
? Comment survivre à son sourire
innocent qui fera qu’on lui pardonnera pratiquement tout ? Ah, ce cadet qui
agace, qui picosse, qui sait se faufiler dans des endroits interdits dans le
seul but de faire réagir ? Comment survivre à ce cadet qui sera toujours le
plus petit, le plus mignon, le plus adorable, celui qu’on sentira toujours le
besoin de protéger ? Ah oui, ce cadet qui flotte, qui n’est sûr de rien, qui
prend son temps. Ce cadet qui sait aller chercher les compliments et se faire
aimer.
Comment survivre à tous les autres, allant du frère
bougon à la sœur frivole, en passant par celui qui est toujours dans les
embrouilles et par celle trop sérieuse qui veut se substituer aux parents
? Comment survivre à l’indépendant que
l’on ne voit jamais et au dépendant que l’on voit trop souvent ?
Comment survivre aux souvenirs, heureux ou malheureux,
qui refont toujours inévitablement surface ?
Comment se bâtir un présent et un futur harmonieux sur la base de ce
passé commun ? Je ne sais pas. Mais,
chose certaine, sans notre fratrie, nous ne serions pas les mêmes.