Ce matin, je lis ma Presse + et je tombe sur cet article de
Marie Allard (d’après une étude de Chantal Bayard) : Quand les célébrités allaitent sur Instagram. Je soupire. J’hésite à swiper par en haut pour voir les photos. Est-ce que j’ai vraiment le goût de voir ça
en ce vendredi matin, la glamourisation de
l’allaitement ? Pas sûr. Y paraît qu’il
y a de bonnes intentions derrière tout ça, que ce n’est pas simplement de
l’autopromotion. Humm. Pas convaincue.
Ces photos permettraient aux célébrités d’inscrire leur
maternité dans leur trajectoire professionnelle. OK, d’accord, tu peux avoir des enfants,
allaiter et continuer d’avoir une vie, tu n’as plus besoin de rester cachée
chez vous en marge du monde. Une femme,
ça peut aussi être une maman et une maman, ça allaite. Good. Qu’on
se le tienne pour dit, on ne sépare pas comme ça la femme de carrière de la
maman, une femme c’est un tout. Nous
sommes un tout. Nous pouvons embrasser
plusieurs destins. J’avoue que là, c’est un message qui me parle.
Bon, ensuite, certaines célébrités disent ainsi
participer à un mouvement de normalisation de l’allaitement. Ark. C’est là que ça accroche. Voyons voir ces photos, allez swipe en haut. Elle, elle a un foulard
dans les cheveux qui match avec sa décoration murale. Évidemment.
Elle, elle regarde la caméra d’un air langoureux, la bouche entrouverte,
la main négligemment posée sur son sein libre.
Naturellement. Continuons, continuons. La famille idéale
maintenant. Les parents qui
s’embrassent, le bébé qui tète et le grand frère qui dort. Un classique. Elle,
elle fait la couverture d’un magasine.
Maquillage, bijoux, vêtements griffés.
Tout simplement. C’était quoi le
but de ces photos déjà ? Ah oui, la normalisation de l’allaitement. Bien sûr, entre elles et moi, il n’y a qu’un
pas, je peux aisément m’identifier.
Inutiles de mentionner que vous ne verrez ni vergeture, ni sein engorgé,
ni feuille de chou, ni d’yeux cernés sur ces photos. Oubliez aussi les coussins
d’allaitement pastels et l’empilage d’oreillers et de coussins pour tenter d’avoir
un peu de confort et de ménager son dos et ses bras. Ah, non ! On allaite
debout, droite comme la justice, faisant face à l’adversité, le bébé pendu au
bout du sein.
Et là, je me mets à swiper
avec agressivité. Fais chier. Comme si les mamans n’avaient pas déjà assez
de pression comme ça. La plupart des
photos sont sexy à souhait. Non
seulement il y a une pression sociale pour allaiter, mais en plus il faut
maintenant allaiter de manière sexy. Give me a break. C’est quoi la prochaine
étape ? Des vidéos d’accouchement sur youtub
avec musique d’ambiance ? Après tout, il faut aussi normaliser les
accouchements naturels. Un papa en torse
nu sexy qui tient amoureusement la main de sa compagne coiffée et maquillée qui
pousse dans l’allégresse ? Va-t-on trouver
une façon de rendre sexy un vagin qui déchire ?
Va-t-on glamouriser la douleur des contractions ? Voici ma face souffrante mais sensuelle, yeux
mi-clos, lèvres pulpeuses, mains manucurées posées sur le ventre en
douleur. Les célébrités vont-elles
ensuite montrer leurs seins naturels post-allaitement ? Ceux-là même qui ne
peuvent résister à l’appel de la gravité ? Les péripéties de Bianca Longprés,
alias mère ordinaire, peuvent bien avoir suscités un tel engouement au Québec,
ça prend un contrepoids. Toute cette
perfection est étouffante, il nous faut la faire craquer, question de pouvoir
souffler un peu.
Mais ne vous méprenez pas, je la trouve belle la
maternité. Je pense sincèrement qu’elle
doit être célébrée. Mais célébrée dans toute la beauté de ses imperfections. C’est beau une maman qui allaite en mou avec
une queue de cheval et qui regarde son bébé avec des yeux fatigués, mais
attendris. C’est beau une femme enceinte
qui ne pose pas, qui est juste là avec son sourire, sa bedaine et ses doutes. C’est
beau une mère qui pleure de joie et de désespoir quand son bébé voit enfin le
jour. C’est beau une maison de
nouveau-né avec des pyjamas, des couvertures, des couches et des suces qui
traînent un peu partout. C’est beau ce
mélange d’inquiétudes et d’amour qui émanent de chacun des gestes des nouveaux
parents.
Gloire aux ventres mous qui ont portés, aux seins
pendants qui ont allaité, aux yeux cernés qui ont veillé.
Gloire à l’imperfection.
Normalisons. Pour de vrai.
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