Le malheur des autres
fascine. Inconsciemment, comme une
pulsion innée qui nous pousse à tendre l’oreille lors d’une conversation
tumultueuse à la table d’à côté, qui aiguise notre regard lorsque l’on voit des
titres de journaux annonciateurs de catastrophes, qui nous fait ralentir devant
une scène d’accident.
Je ne veux pas dire que je me complains dans le malheur
des autres ou que j’y suis insensible, bien au contraire, mais le malheur
m’interpelle. En file à la caisse au
supermarché, mon regard se promène sur les titres des magazines :
« Untel se confie sur sa dépendance à l’alcool et aux drogues », mon
regard s’accroche, je veux en savoir plus, comment a-t-il pu en arriver là, lui
qui a vécu de si grands succès ? « Unetelle nous parle des joies de sa
nouvelle vie de maman ». Ark.
Qu’est-ce qu’elle a à nous faire chier celle-là ? Elle pense qu’elle vient d’inventer la
maternité ? Qu’elle nous fiche la paix avec l’étalement de son bonheur.
Et oui, je l’avoue, je suis la première à sourire en coin
lorsque j’apprends qu’une personne que je croyais parfaite a soudainement une
ombre qui se dessine au tableau. Elle
est belle, elle est bonne, elle a une carrière remarquable. Mais, elle n’a pas pu avoir d’enfants.
Pfff. Elle ne connaîtra pas les joies de
la maternité. Un couple riche et
idyllique, mais leur fils unique a des troubles d’apprentissage. Humm. On ne peut pas tout avoir. Il a tous les talents, mais sa femme vient de
le sacrer là. Ah ! Ah ! Il n’est peut-être pas si parfait qu’il en a l’air.
La découverte de failles chez les autres m’apaise. Est-ce que c’est malsain? Peut-être. Est-ce un manque de confiance en moi?
Peut-être. Ce que je sais, par contre,
c’est que les failles des autres me les rendent plus humains, plus
sympathiques, me rassure sur mes imperfections, empêche l’idéalisation, me
donnent envie de les connaître davantage.
Peut-être aussi que le malheur des autres nous rappelle
notre propre bonheur, le met en lumière, le fait sortir de l’ombre, nous le
fait apprécier. Alors que leur bonheur
ne peut que nous confronter à nos malheurs, petits et grands.
On se compare toujours aux autres, c’est pratiquement
inévitable, comme si cela était déjà programmé dans notre ADN. Même si l’on tente de se concentrer le plus
possible sur son soi-même, sur ses propres défis, sur ses propres progrès, la
vie nous place toujours vis-à-vis des autres (tests d’admission, classements,
étoiles du match, nombre de minutes de jeu, résultats scolaires, entrevue
d’embauche, performance statistique, cotes d’écoute, récompenses, prix,
trophées, mentions d’honneur, grosseur du chalet, nombre de voyages, réussite
sociale, apparence physique et bien entendu les réseaux sociaux et leur nombre
de likes), c’est quasi impossible de
faire comme si tout cela n’existait pas, de ne pas en tenir compte.
Le jour où je réussirai à ne plus me comparer à personne
et où je pourrai être simplement et purement heureuse pour les autres, je pense
que je pourrai dire que j’aurai atteint la sagesse.
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