Les autres, ceux qui nous
entourent. Les autres humains de cette
planète que l’on côtoie à tous les jours, de près ou de loin. Pour une fois ou pour toujours. Ceux-là même dont on a tant besoin. Ceux-là même qui nous bousculent, qui nous
emportent, de qui on veut fuir ou se rapprocher.
Déjà enfant, il faut survivre à sa propre famille. Source de sécurité ou d’angoisse,
d’attachement profond ou fragile.
Cohabiter avec tous ces caractères, faire sa place, exprimer ses besoins,
ses limites. Il faut survivre à ses propres parents, à qui on essayera toujours,
inévitablement, de plaire, de qui on recherchera sans cesse l’approbation,
souvent inconsciemment. Il faut survivre
à ses frères et sœurs, objets d’amour et de haine, avec qui la comparaison et
la compétition sont bien souvent inévitables.
Il faut survivre à cette envie d’embrasser sa fratrie, de les accepter
tel qu’ils sont et à ce goût, parfois, de les voir disparaître, il faut
apprendre à vivre avec cette dualité. Il
faut aussi survivre à sa famille élargie. Survivre à cette tante qui ne sent pas bon et
à cet oncle qui rit trop fort et qui te fais peur. Survivre à cette grand-mère,
un peu trop sévère, aux airs de sorcière.
Il y aura aussi
tous ces adultes maladroits avec les enfants que tu tenteras d’éviter, ceux qui
te poseront des questions trop difficiles pour ton jeune âge, ceux qui
tenteront des blagues douteuses, ceux qui te parleront en employant une voix
débile, ceux qui quémanderont toujours des câlins et des bisous.
Ensuite, il y aura les autres enfants. La petite fille au bandeau rouge dans ta
classe de maternelle avec son sourire sympathique, mais que tu hésites à
aborder. Le petit garçon agité qui te
rend nerveuse. Les premières
jalousies. La petite fille blonde qui
semble hypnotiser tout le monde avec ses grands yeux bleus. Apprendre, qu’à
certains moments, être différent peut te causer des ennuis. Apprendre à te fondre dans la masse. Apprendre qu’il y a d’autres enfants à qui il
ne vaut mieux ne pas parler. Apprendre
qu’un morceau de rouleau aux fruits peut acheter une amitié. Découvrir, pour la première fois, quelqu’un
avec qui tu partages de réels intérêts et une façon commune de voir le
monde. Vivre en état de quasi fusion
avec cette copine et découvrir que tout peut s’arrêter du jour au lendemain. Apprendre que l’on peut vouloir s’approcher
de toi pour les mauvaises raisons.
Grandir. Vouloir
ressembler à ceux que tu estimes.
T’éprendre de certaines personnes qui ne te remarqueront jamais. Être, à ton tour, le centre d’intérêt de
d’autres, tout en souhaitant être invisible à leurs yeux. Découvrir le sentiment amoureux, comment il
peut être beau et comment il peut faire mal.
Lutter pour faire partie d’un groupe. Tenter d’en respecter les codes. Être grisé
par ce sentiment d’appartenance et en être effrayé en même temps. S’oublier
pour ne pas être seul, se perdre de vue. Être blessé, ne pas savoir comment
l’exprimer. Vouloir s’affirmer, hésiter,
être maladroit.
Juger les autres sur la base de quelques critères flous et
être jugé en retour. Être soumis à la
perception que les autres ont de toi, vivre sous leurs regards inquisiteurs,
appréhender leurs réactions, leur donner trop de place. Te réapproprier ta différence.
Survivre aux curieux, qui veulent toujours en savoir
plus. Survivre aux envahissants, qui
percent constamment ta bulle. Survivre
aux bavards, incapables d’écouter. Survivre
à ceux qui savent tout, toujours, tout le temps. Survire aux mystérieux qui en disent peu.
Survivre à ceux qui deviennent trop intimes trop vite. Survivre à ceux qui te donnent des
explications que tu n’as pas demandées.
Survivre à ceux qui ont toujours un ami médecin ou avocat pour te faire
chier. Survivre à ceux qui argumentent
pour le simple plaisir de te contredire.
Survivre à ceux qui ont besoin d’être applaudis. Survivre aux réponses toutes faites. Survivre aux trop parfaits et aux trop intenses.
Comprendre ton incapacité à contrôler les autres. Comprendre qu’ils sont essentiels à ta vie. Comprendre la place que tu peux leur donner.