jeudi 15 novembre 2018

Cher parent


J’aimerais te dire (et me dire à moi-même d’abord, encore et encore, car il y a de ces choses si faciles à oublier dans la course du quotidien), j’aimerais te dire donc, qu’un enfant de deux ans sera toujours attiré par un trou d’eau, comme les mouches noires par le sang humain au mois de mai, qu’il voudra inévitablement se mettre les deux pieds dedans et s’éclabousser avec joie.  Oui, ses habits seront un peu trempés (OK, beaucoup trempés) et il aura peut-être un peu froid après, mais laisse-le donc aller à cette découverte de l’eau qui revole et virevolte en mille petits éclats, regarde ses yeux qui brillent au lieu de ses vêtements qui dégoulinent.
J’aimerais aussi te dire que tu n’as pas de besoin de demander à ton enfant de 4 ans de réciter son alphabet par cœur pour me montrer à quel point il est intelligent.  Je le sais déjà.  Je le sais, car je le vois regarder les enfants plus vieux et tenter de les imiter.  Je le sais, car je le vois recommencer mille fois son pont avec des blocs pour qu’il soit plus solide.  Je le sais parce qu’il vient me voir, qu’il me parle de ce qui l’intéresse, qu’il me pose des questions.
J’aimerais également te dire que cela ne sert à rien d’humilier ton enfant en public pour démontrer que c’est bien toi le patron et que tes enfants, ce ne sont pas des enfants rois. 
J’aimerais te dire que lorsque je te croise à l’épicerie et que ton enfant fait une crise parce que tu lui a interdit de taponner les poires et les pêches, je ne te juge pas, je compatis avec toi.  Et même si tu lui dis non et que, finalement, tu changes d’idée et que tu le laisses faire, je ne te juge pas non plus, je sais qu’éduquer un enfant partout, tout le temps, c’est exigeant.
J’aimerais te dire que je ne crois pas que tu sois un parent négligent parce que les habits de ton enfant ne sont pas propres-propres.  Des marques de crayon sur le chandail, du sable plein les souliers, des taches de gazon sur les pantalons, moi, tout ce que je vois, c’est un enfant qui s’est bien amusé.  Même s’il est décoiffé et que sa salopette est toute croche, l’important c’est qu’il soit souriant, non ?
J’aimerais aussi te dire que ton enfant peut bouger au restaurant ou dans un lieu public, que tu n’as pas à en être gêné.  J’aime mieux voir ton enfant allumé et vibrant, bruyant, oui, peut-être, plutôt qu’immobile et hypnotisé devant sa tablette, absent au monde qui l’entoure.
J’aimerais également te dire que je me fous de l’âge à lequel ton enfant a marché ou parlé.   Tu n’as pas à te justifier du comment ou du pourquoi il ne marchait pas encore à 12 mois ni de pourquoi il confond encore le bleu et le vert.  Tu n’as pas à me dire qu’il est craintif, paresseux, têtu, indépendant, que c’est un peu de ta faute, car toi aussi tu as marché tard et que tu as un oncle daltonien.  Ton enfant, il est comme il est, c’est tout.
Ah ! Et j’aimerais hurler que même si ton enfant ne finit pas toute son assiette, je ne pense pas qu’il est malnutris pour autant et que tu es par conséquent un mauvais parent.  Il ne mange pas ses légumes en visite, et puis après, c’est la fête, non ?  La routine est bousculée, il est dans un nouvel environnement, il n’a pas à faire plaisir à un étranger en montrant qu’il est capable de manger des légumes.
J’aimerais te dire qu’un enfant touchera toujours à ce qu’il ne faut pas qu’il touche, qu’il tombera endormit au pire moment et qu’il s’éveillera alors que tu tombes de sommeil. J’aimerais te dire que ton enfant écoutera toujours mieux un étranger que toi, qu’au moment où tu croiras enfin l’avoir compris, il adoptera un comportement qui te laissera pantois et que sa ténacité à te contredire t’étonnera toujours.
J’aimerais te dire que ton enfant sera toujours ta plus grande fierté...et ton pire cauchemar. 


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