jeudi 3 mai 2018

Ma vie est un bébé qui pleure



Une nouvelle vie voit le jour.  Un petit bébé, tout fripé de sa trempette amniotique de 9 mois et tout plaqué rouge de son passage vaginal, nous dit bonjour.  Tout de suite, je le trouve beau.  Tout de suite, je sais que je vais l’aimer.  Les premiers instants sont magiques, voir euphoriques.  Il est là, dans mes bras, tangible, irréel.  Cela fait 9 mois qu’il est en moi, mais c’est la première fois qu’on se voit, qu’on se touche, qu’on se dit bonjour. 

J’étais devenue une maman.  Nous étions désormais des parents. Je vivais mes premières secondes, mes premières minutes, mes premières heures de ma vie de maman.  Je savais que je m’en souviendrais toute ma vie.

            Les jours passés à l’hôpital furent, pour moi, des jours merveilleux, bénis des Dieux.  Je n’avais pas cette envie pressante, comme d’autres mamans, de retourner à la maison, dans mes affaires, dans mon nid.  Nous étions bien là, tous les trois.  J’avais mes trois repas par jour qui arrivaient sur un plateau non pas d’argent, mais de plastique orange de la cafétéria.  Nous avions régulièrement de la visite.  Pas trop.  Juste assez. Les médecins et les infirmières nous guidaient dans notre nouveau rôle de parents tout en nous certifiant que nos gestes malhabiles deviendraient rapidement plus assurés.  Pendant ce court séjour à l’hôpital, je n’avais qu’à être une maman, sans penser à rien d’autre.  Le bonheur.  Je ne vivais pas ma vie, c’était une autre vie, à côté de la mienne.

            Pourtant, il fallut bien retourner chez-nous. Il fallut bien reprendre le train-train quotidien. Avec de l’énergie en moins et un bébé en plus.  Je me rappellerai toujours notre premier souper de famille :  une lasagne réchauffée, mon chum et moi assis l’un en face de l’autre, le bébé couché à même la table entre nous deux.  Entre chaque bouchée, je le regardais, le cœur battant, me demandant s’il était correct.  Dès qu’il faisait un son qui ressemblait à un pleure, j’arrêtais pratiquement de respirer.  Et là, j’ai eu une méga-super-intense poussée d’angoisse : c’était donc comme cela qu’allait se dérouler mes repas dorénavant, dans un espèce d’état de tension et de préoccupation constante.  En fait, c’est à cet instant précis que j’avais brutalement réalisé que la vie légère et insouciante, c’était fini pour moi.  Et je fus, à ce moment-là, très proche de la crise de panique.  Ensuite, je me suis dit que ça devait être ça qu’on appelle le baby blues.  Mais je n’étais pas dupe, je savais que ce que je ressentais n’était pas simplement une baisse d’énergie et un moral raplapla causés par la perte de contrôle de mes hormones, c’était de l’anxiété à l’état pur.

            Les jours passèrent et nous tentions, tant bien que mal, de trouver notre rythme et de nous maintenir la tête hors de l’eau, sans grand succès, je dois l’avouer.  C’est alors que, quatre jours après notre retour à la maison, j’eu un autre grand moment de panique : « Et si je n’étais pas faite pour avoir des enfants ? Et si je m’étais trompée ? Et si j’avais commise la plus grosse erreur de toute ma vie ? »  J’étais catastrophée.  Je venais de gâcher la vie de trois personnes, d’un seul coup. La mienne, celle de mon chum, et surtout, celle de notre enfant.  Je me rappelle avoir eu besoin de m’asseoir.  Je pleurais et je regardais le paysage pluvieux et triste de mai par la fenêtre.  La blonde de mon père appela à cet instant.  Je me souviens qu’elle a tout de suite compris comment je me sentais.  Un sentiment de perte de contrôle de sa propre vie, comme si tous tes repères éclataient d’un coup.  Elle m’a aussi dit, qu’aujourd’hui, nous étions des femmes très libres (libre d’étudier, de travailler, autonomes financièrement) et que la contrainte amenée par la maternité était certainement beaucoup plus difficile à vivre de nos jours qu’à une époque plus ancienne où les femmes n’avaient encore que peu de choix.  Ces paroles avaient énormément normalisé la façon dont je me sentais et m’avaient permis de me ressaisir.  Je voulais des enfants.  Il n’y avait pas d’erreur.  Je devais juste trouver mon équilibre et développer ma façon à moi d’être une maman.

            Ensuite, est venu le temps de notre première sortie en famille (sept jours exactement après notre sortie de l’hôpital).  Aller manger une poutine au casse-croûte du coin.  Wow !!!  Pour cette grande occasion, nous n’avions pas pris de chance, nous mîmes dans la voiture : le sac à couches, le coussin d’allaitement, la poussette, le porte-bébé, des couvertures et du linge de rechange. Une fois assise dans la voiture, j’ai failli éclater en sanglots tellement je trouvais que tout était rendu compliqué.  Manger une poutine demandait dorénavant de l’organisation.

            Et les jours ont passés, et les semaines, et les mois.  Et mes moments de panique se sont espacés pour finalement disparaître complètement.  J’aurai encore des moments de grand désespoir (mon bébé pleure et je ne sais pas pourquoi) et de fatigue extrême (je pense que je ne parviendrai pas à terminer mon épicerie, que je vais m’évanouir au beau milieu de l’allée des céréales), mais, au bout du compte, j’y suis arrivée au premier anniversaire de mon fils aîné.  Et je l’ai fêté le sourire aux lèvres, tout de même convaincue, malgré une première année difficile, que mon bébé, c’était le meilleur.

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