jeudi 31 mai 2018

L'amour après 18 ans






Pas dans le sens de l’amour au début de l’âge adulte, là.  Mais bien dans le sens de l’amour après 18 ans de vie commune.  Dans le sens de 18 années passées à partager la vie de la même personne.

Qu’est-ce qu’il y a de si différent entre aujourd’hui et le premier jour ?  Difficile à dire puisque je ne me rappelle plus trop des premiers jours.  En fait, non, je m’en rappelle, mais ça fait si longtemps que tout me semble un peu flou, vague, comme si ce souvenir appartenait à une autre vie que la mienne.  Deux êtres qui se connaissaient à peine, qui n’avaient jamais entendu parler l’un de l’autre, qui sont dorénavant intimement liés, qui ont une connaissance profonde l’un de l’autre.  Comment un étranger a-t-il pu devenir la personne qui me connaît le mieux, le seul avec qui je ne peux me défiler ni faire semblant ?

Comment nous comparer, nous, jeune couple, qui louions de vieilles cassettes vidéo à 0,99$ et achetions une enveloppe de fondue au fromage pour nos soirées en tête-à-tête, à nous, vieux couple, qui avons deux enfants, qui jasons hypothèque, pneus d’hiver et devoirs de mathématiques ?  Comment comparer ta relation avec un homme que tu as séduit à grands coups de sourires, de quelques mots d’esprits et d’une petite robe noire à ta relation avec l’homme qui t’as vu accoucher, crier après tes enfants et fondre en larmes au décès de ton père ?

Après 18 ans, la relation est plus profonde, plus complète, mais moins magique et plus lourde, car elle traîne avec elle tous les soucis quotidiens.  Parfois, mon amoureux, il me tombe sur les nerfs. Quand il me parle sans arrêt de sujets qui ne m’intéressent pas (dans ma tête je me dis : je ne pense pas qu’il m’aurait raconté ça les premiers temps de nos amours, ou encore : il doit pourtant le savoir que ses problèmes de caliper ne m’intéressent pas).  Et je sais que moi aussi je dois lui tomber sur les nerfs parfois.  Quand je laisse les portes d’armoires grandes ouvertes, quand j’oublie ce qu’il vient de me dire il y a cinq minutes, quand je fais passer Facebook avant lui.  Mais malgré tout ça, j’ai toujours hâte de le retrouver à mon retour du travail, il me fait toujours autant rire qu’avant, sinon plus, et je m’endors toujours mieux une fois qu’il s’est allongé à mes côtés (même s’il est trop grand et prend le ¾ du lit !).

Je me demande parfois comment il me voit aujourd’hui.  Suis-je encore la jolie fille amusante qu’il a rencontrée ?  Suis-je telle un meuble dans sa vie, présence immuable et rassurante ?  Il y a 18 ans, il m’a choisi, me choisirait-il encore aujourd’hui ?  Rêve-t-il à d’autres parfois ?  Pense-t-il qu’il aurait pu partager sa vie avec quelqu’un d’autre ?  Et moi, comment je le vois ?  Parfois, je le regarde dormir à mes côtés, je regarde son visage et je me dis que ça fait 18 ans que je contemple ce visage, à tous les jours, et je me sens privilégiée.  Nous en avons traversé des épreuves et des moments doux, nous en avons eu des fous rire et des grands désaccords, nous en avons eu des prises de becs et des réconciliations.  Nous avons une histoire.  Un jour il faudra fermer le livre.  Un jour, rapproché ou lointain, inévitablement, cette histoire se terminera, mal, fort probablement.  Une séparation ou un décès.  La fin sera triste, il ne peut pas en être autrement.  En attendant, profitons de cette complicité, de cette connaissance profonde de l’autre, de ces moments où les mots sont superflus.

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