Bon. Ce texte-là, ça
prend quand même un peu de courage pour l’écrire. Parce qu’en fait je veux vous parler de mon
non-pouvoir de séduction. De ce que je
n’ai jamais compris, de ce que je ne comprendrai probablement jamais. Et quand
je parle de séduction, je parle de séduction au sens large, dans le style séduire et/ou charmer, un autre être humain ;
homme ou femme, jeune ou vieux, homo ou hétéro.
Oui. C’est comme s’il me manquait ce chromosome-là, le
chromosome de la séduction. Aucune idée
quoi dire. Aucune idée quoi faire. Le néant.
Le trou noir. Le vide abyssal.
Déjà enfant, les précurseurs de la séduction n’étaient pas
très développés chez-moi. Vous savez, tous ces petits gestes que font quasi
instinctivement les enfants dans le but de plaire aux adultes ou aux autres
enfants ? Sourire en coin à la caméra, câlins spontanés aux tantes et aux
cousins, ton de voix un tantinet mielleux pour obtenir un privilège, face de
mignon qui fait fondre la galerie. Moi,
on aurait dit que je ne comprenais pas ce langage-là. J’avais plutôt tendance à regarder les
adultes que je connaissais peu d’un air méfiant et à jouer toute seule dans mon
coin. Je n’aimais pas qu’on m’accorde
trop d’attention, cela me mettait profondément mal à l’aise.
À l’adolescence, évidemment, la situation ne s’améliora pas. Mon inaptitude à séduire atteignit des
sommets inespérés. À mon grand manque de
confiance en moi, s’ajouta tous les questionnements relatifs à cette période,
de la recherche identitaire à la complexité des relations amicales et
amoureuses, le tout parallèlement à des transformations physiques pas toujours
heureuses. Trop de bras, trop de tronc,
pas assez de jambes, des lunettes, des broches et une posture corporelle dans
le style si je pouvais disparaître
ce serait super. J’avais également développé à l’époque une légère tendance
à la paranoïa. Si un regard se posait
sur moi, c’était pour me juger. Si on
tentait de m’approcher, c’était pour se moquer.
Si on chuchotait en ma présence, c’était pour énumérer mes défauts. J’étais persuadée que peu de gens me tenait
en haute estime. Quelle était la part de
vérité et la part de perception dans tout cela ? Je ne sais pas. Probablement plus de perception que de
vérité. Chose certaine, loin de moi
était l’idée de pouvoir séduire qui que ce soit.
Par la suite, une fois l’âge adulte atteint, je n’arrivais
toujours pas à maîtriser cette mécanique séductrice (ou bien ma mécanique à moi
manquait sérieusement d’huile). Souvent,
je remarquais cette danse subtile (ou pas) chez les autres femmes. Rire cristallin et tête renversée en
arrière. Main posée sur le bras pour
appuyer un propos. Cheveux qui
effleurent un visage. Intérêt
soudainement marqué pour quelque chose de banal. Frôlement accidentel. Joie de vivre décuplée. Bonheur feint. Regard sérieux et profond. Bienveillance inespérée. Tempérament avenant et conciliant. Pourtant,
incapable j’étais, de reproduire tout cela. J’avais toujours l’impression de sonner faux
comme un vieux disque.
Encore
aujourd’hui, jamais je n’oserais faire les yeux doux à un policier pour éviter
une contravention. Je ne pourrais jamais
non-plus réussir à distribuer savamment les compliments et les flatteries pour
assurer mes arrières ou pour bénéficier de petits privilèges, aussi minuscules
soient-ils. Toutefois, il faut avouer
que j’ai longtemps pensé qu’adhérer à cette pratique faisait de moi un être
superficiel et méprisable. Que le temps
mis à peaufiner l’extérieur annulait ce qu’il y avait à l’intérieur. Je sais aujourd’hui que l’un n’empêche pas
l’autre. Je peine toujours toutefois à
me trouver des qualités de séductrice.
En fait, tout ce qui me vient à l’esprit c’est quelque chose dans le
genre : je suis sympathique, ponctuelle et j’ai une bonne hygiène corporelle
!!!
Mais
parfois, pour m’encourager un peu, je me dis que peut-être qu’au fond la magie
opère malgré moi, comme une espèce de danse totalement inconsciente… .
Aucun commentaire:
Publier un commentaire