Simplement à l’écriture du
titre, je me rends bien compte de la chance que j’ai d’en avoir eu une, d’avoir
eu un nid stable et douillet pour grandir et m’épanouir, entourée de parents
aimants et d’une petite sœur (aimante, mais un peu tannante quand même). Mes parents ont emménagés dans cette maison
alors que j’avais 6 mois et ils n’en sont jamais partis. Seule la mort les en a séparés. Pendant longtemps, cette maison a été mon
repère, mon ancrage, une source de ressourcement et de protection. Même lorsque je l’ai quitté pour faire mes
études collégiales et universitaires.
Même dans ma vie de jeune adulte alors que j’habitais avec mon amoureux
et que nous tentions, à notre tour, de créer notre propre nid. Je me suis séparée d’elle tranquillement, à
mesure que les rides s’accumulaient sur mon visage et que je me créais de
nouveaux repères, de nouvelles balises.
Et puis, un jour, j’ai réalisé que cette maison n’était plus mon port
d’attache, elle restait unique, mais non plus indispensable pour moi. J’avais mon amoureux, j’avais mes enfants,
j’avais fondé ma famille, j’avais mes propres rêves. Mais voilà que, quelques années plus tard,
mon père décède et l’opportunité m’est donnée de retourner y vivre.
Mais laissez-moi d’abord vous parlez d’elle, de ma maison
d’enfance. Elle est pratiquement un membre de notre famille. C’est une vielle maison de ferme construite
en l’an 1910. Mes parents en ont été
les deuxièmes propriétaires, nous en serons les troisièmes. Mon père l’a eu pour une bouchée de pain à
l’époque, ces vieilles maisons de campagne n’étant plus très populaires aux
débuts des années quatre-vingt. Elle était blanche et verte pendant mon
enfance, elle est maintenant bleue et beige.
Ma mère aimait bien raconter comment sa propre mère avait failli perdre
connaissance la première fois qu’elle y avait mis les pieds. « Mon Dieu ! Je ne peux pas croire qu’il (mon
père) ait amené ma fille dans un endroit pareil ! » . Ce n’était pas
un petit bungalow propret, disons. Mes
parents y ont fait beaucoup de rénovations.
Les armoires de la cuisine, c’est mon grand-père paternel qui les a
construites. Le plancher du deuxième
étage est fait de vieilles planches de bois larges d’au moins trente
centimètres. Il y a une ancienne cuisine
d’été, qu’on appelle encore comme ça, mais qui n’en est plus une. Il n’y a pas beaucoup de fenêtres avec vue
sur les champs, les invités se demandent souvent pourquoi, mais tsé, dans le
temps, les cultivateurs passaient leurs journées dans les champs donc ils
n’avaient pas vraiment le goût de les contempler le reste du temps. Il y a une vieille cuisinière au bois, qui
fut très utile à mon père et ma sœur pendant le verglas de 1998. Cette maison, elle a aussi une cave, pas un
sous-sol là, une cave, pas finie, genre vraiment pas. Elle porte en son sein également, plein de
mouches domestiques, des mouches à marde comme
on dit, quelques souris et parfois des fourmis.
Ma vieille maison, elle se chauffe au bois. Elle a une vieille grange et un vieux
poulailler pour lui tenir compagnie. Une
cabane à sucre aussi, une jeunesse, elle, par contre.
Alors voilà, retourner vivre dans cette maison, c’est pour
moi source de joie et d’angoisse. Je ne
cesse de dire à mon chum et à mes enfants qu’on se lance dans une nouvelle
aventure. Une nouvelle aventure qui est
en même temps, pour moi, un retour en arrière.
Cette maison sera l’endroit où j’aurai passé la majeure partie de ma
vie. Est-ce vraiment ce que je souhaite
? Qu’est-il advenu de la petite fille qui voulait parcourir le monde ? De
l’adolescente qui ne voulait pas d’enfants et qui ne voulait surtout pas vivre
sur une ferme ? Mais les rêves ne sont pas statiques, ils changent et se
modifient, eux aussi. Mes parents ne
sont plus de ce monde, mais à la ferme, ils seront partout, dans chaque
craquement de planche, dans chaque érable qui coule, dans chaque chant
d’oiseau.
Voir aussi :
La maison vide
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