Pourquoi
est-ce que je pense à la solitude en ce moment ? Pourquoi ce sentiment commence
à m’habiter là, maintenant, furtivement, avant de repartir ? Probablement parce que les fêtes approchent
et que je me dis qu’il n’y a rien de pire au monde que d’être seul la veille de
Noël, bien que je sois persuadée qu’il vaille mieux être seul que mal
accompagné.
Y-a-t-il
deux solitudes, la bonne et la mauvaise ? Je ne sais pas, probablement. La bonne étant celle qu’on apprécie, la
mauvaise étant celle qui nous fait souffrir.
Pour
ma part, les deux ont toujours cohabitées en moi, l’une prenant parfois le
dessus sur l’autre.
Les
moments où je suis seule sont pour l’instant précieux, mais je suis à une étape
de ma vie où je suis constamment entourée : un conjoint de fait, deux
enfants encore jeunes, une carrière qui bat son plein. Alors, quand mes vendredis de congé se
pointent le bout du nez et qu’il n’y a pas de journée pédagogique en vue, je
respire le bonheur. Je savoure chaque
heure, chaque minute de cette journée en tête-à-tête avec moi-même. J’aime ne pas avoir à parler à personne (je
ne réponds bien évidemment pas au téléphone lors de cette journée, le texto,
tout au plus), j’aime ne pas avoir à donner des consignes (et à les répéter),
ne pas avoir à m’expliquer, ne pas avoir à informer d’où je suis, ne pas avoir
à discuter de sujets sérieux, ne pas avoir à répondre à des questions (allant
de Maman où sont mes mitaines ? à À quoi tu penses, chérie ? ou Qu’est-ce qu’on
mange pour souper ?). J’aime avoir
la tête tranquille pour penser et rêvasser sans jamais être interrompue. J’aime le calme de la solitude, l’apaisement
du silence. J’aime être la seule à
déplacer des objets dans ma maison.
J’aime ne pas avoir à faire de compromis. J’aime savoir qu’il n’y a aucun regard qui se
pose sur moi et la liberté que cela me procure.
Souvent,
pendant une fête ou un grand rassemblement, je deviens étourdie d’avoir plein
de monde autour de moi. L’instant où je
me retrouve seule au cabinet en devient alors un de grand bonheur. Je m’assois, je fais ce que j’ai à faire et
je relaxe. Je reste assise là, sur le
bol, à regarder autour de moi, à reprendre mon souffle. J’en profite également pour me gratter à des
endroits pas toujours élégants, pour desserrer mon soutien-gorge, pour enlever
mes souliers, pour me ronger un ongle ou deux.
Je fais les cent pas dans la salle de bain, je feuillette une revue s’il
y en a, je me lave les mains deux fois plutôt qu’une. Je me ressource un pipi à la fois. Pendant ce court moment, je n’ai plus à
chercher quoi dire, quoi faire, vers qui me tourner, je n’ai plus à me
questionner à savoir si j’en ai dit trop ou pas assez.
Mais
la solitude n’a pas toujours été que du bonheur pour moi, elle a aussi été
souffrance. À plusieurs moments dans ma
vie, je me suis sentie bien seule, et ce, dès l’enfance. Je me suis souvent sentie différente des
autres. Je m’habillais bizarre, je me
parlais toute seule, j’habitais sur une ferme avec des vaches et des
mouches. Mes parents n’étaient pas comme
les autres. D’abord, ils n’étaient pas
mariés. Ensuite, mon père avait des projets
pour le moins singuliers (acheter un incubateur pour élever des dindons
sauvages) et ma mère pouvait parler de sexualité de façon tout-à-fait
décomplexée avec mes amies. À
l’adolescence, j’avais l’impression d’évoluer plus lentement que les autres ce
qui créait un immense faussé entre moi et eux.
N’y a-t-il pas plus grande solitude que de se sentir seule parmi les
autres ? Je n’arrivais pas à me trouver
un groupe d’appartenance (si au moins j’avais eu une quelconque aptitude
sportive j’aurais pu faire partie d’une équipe…). J’en ai eu des vendredis soirs tristes.
Mais
revenons à Noël. Je sais qu’un jour,
proche ou lointain, cela va se produire, je le sais qu’un certain 24 décembre
2000 quelque chose, je serai seule. Quel genre de solitude ce sera ? Apaisante
? Angoissante ?
Mon
père nous a dit cette phrase à ma sœur et moi avant de mourir : « Les
filles, ne vieillissez pas seules ».
Et je ne peux m’empêcher de penser que personne n’est à l’abri de cela,
quoi que l’on fasse.
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