jeudi 30 août 2018

Y FA CHAUD !





Je me liquéfie tranquillement.  Comme l’a dit un des visiteurs pour notre maison : « Ça s’peut ça, une maison pas d’air climatisé en 2018 ? ». Ben oui, ça s’peut.  On a une piscine et trois ventilateurs, mais on n’a pas d’air climatisé. 

Je me suis levée à 8h30 ce matin, pas parce que mes enfants faisaient du bruit ou qu’ils avaient besoin d’une assistance quelconque, pas parce que j’avais quelque chose d’urgent à faire, mais bien parce qu’il faisait tout simplement trop chaud pour dormir.  Je n’avais même pas fini mon premier café que je dû aller me rafraîchir dans la piscine.  Le temps était lourd, opaque, suffocant.  À ma sortie de la piscine, je n’avais pas fait deux pas que j’avais déjà chaud, je ne me suis même pas essuyée, la seule idée d’une serviette sur ma peau m’était insupportable. J’ai ensuite décidé d’aller enfiler une vieille robe laide qui ne m’allait pas très bien, mais qui avait l’avantage d’être très aérée.    Mes cheveux ont passé la journée attachés en un gros moton mouillé, pas question de les sentir me chatouiller la nuque.

J’avance péniblement dans la maison comme si je pesais soudainement le double de mon poids.  Mes pieds collent sur le plancher.  Je sens comme un bourdonnement autour de ma tête.  Un bourdonnement de chaleur qui anéantit une à une toutes mes facultés intellectuelles.  Je n’arrive plus à penser ni à réfléchir.  Je mange un bol de céréale et décide d’aller à l’épicerie : soixante minutes de climatisation, soixante minutes de pur bonheur.  Avant de partir, mon chum me dit que je ne peux pas sortir avec cette robe-là, je lui réponds que je m’en fout complètement.  Je n’ai plus d’orgueil, il a fondu avec tout le reste.

Je voudrais vivre dans un camp de nudiste.  Il faut que je me baigne aux 90 minutes pour maintenir ma température corporelle à un niveau acceptable.  Je me baigne tellement au cours de la journée que le chlore finit par me piquer les yeux et je me mets à me gratter partout, comme quand j’étais petite et que je passais tout un après-midi dans la piscine.  Et même dans la piscine, je cherche l’ombre.  À la troisième baignade, je dis aux enfants que ce sera une baignade tranquille et j’interdis tout contact physique avec mon moi-même, je ne supporte plus rien.  Je me couche ensuite sur le sofa et je niaise sur Facebook.  J’ai des bouffées de chaleur. 15 000 $, ce n’était pas si cher au fond pour faire installer l’air climatisé central.  Pour les enfants, c’est écran à volonté, T.V., ordinateur, name it, tout est permis et à n’importe quelle heure, je n’ai plus la force d’encadrer quoique ce soit. Quand mon chum me pose une question, je grogne.  Je suis collante.  Je suis léthargique.  Et là, je me mets à me sentir coupable de mon état d’affaissement, tsé, je pourrais être dans un petit appartement au centre-ville pas de ventilateur, avoir 108 ans, une maladie chronique et pas de famille pour penser à moi.  J’ai une maison en campagne, une piscine et trois ventilateurs, un luxe quoi.  Et je n’allaite pas.  Je pourrais allaiter en pleine canicule, j’ai déjà fait ça.  OK, faut que je me ressaisisse.  On pourrait être en janvier, il pourrait faire – 30°C. On pourrait être en novembre, il ferait déjà noir.  Je décide de descendre au sous-sol pour partir une brassée.  Quel bonheur de faire de la lessive dans cet endroit frais ! Jamais tâche ménagère ne m’a semblé si agréable !  Mais une fois ma brassée terminée, je dois subir ce que j’ai baptisé le supplice de l’escalier.  À chaque pas, dans cet escalier qui mène du sous-sol au premier étage, l’air chaud pénètre un peu plus mes narines, je sens la chaleur au-dessus de ma tête puis sur mes épaules et ensuite sur mon corps en entier jusqu’à la plante de mes pieds.  J’ai l’impression que je ne parviendrais pas au sommet, que je vais m’évanouir avant d’être rendue.  Et là, je me dis que, franchement, je ne suis pas très endurante à la chaleur et que je ne suis pas un très bon modèle pour mes enfants.

Je me rappelle, il y a quelques années, nous sommes allés à Cap Hatteras pour nos vacances d’été.  En chemin, nous sommes arrêtés à Washington D.C., nous voulions visiter un certain nombre de monuments, dont le Abraham Lincoln Memorial.  C’était une belle journée chaude et poisseuse comme aujourd’hui.  Allez savoir pourquoi, mais nous nous sommes retrouvés à marcher en direction d’Abraham à midi tapant sous un soleil de plomb avec un maximum de touristes au pied carré.  Je me tenais loin du chemin principal, avec mon amie, à marcher de spot d’ombre en spot d’ombre.  J’ai pensé ne jamais être capable de gravir la totalité des marches jusqu’au monument.  Arrivée en haut, je n’ai même pas regardé Abraham, je n’ai même pas pris de photo, je suis allée m’asseoir par terre dans le seul petit coin d’ombre qu’il y avait et j’ai fermé les yeux en attendant la mort.  Mes amies et mon chum me cherchaient, ils m’appelaient, je n’avais même pas la force de leur répondre.  J’ai attendu qu’ils me trouvent.  Mon amie m’a finalement traînée dans la boutique souvenirs bondée, mais climatisée.  Je n’ai jamais choisi avec tant de zèle mes aimants pour le frigo !  Depuis ce temps, toute journée chaude et humide est appelée chez-nous une journée Abraham.

Alors, pour le souper de cette journée Abraham, mon chum me propose de s’occuper de faire cuire les pâtes pendant que je m’occupe de couper les légumes.  Il ajoute :

-       Je fais la tâche la plus poisseuse pour ne pas t’entendre chialer.  J’espère être récompensé.

Le petit comique.  J’aimerais lui répondre, mais je n’en ai plus la force.  Je n’ai même plus la force d’écrire.  

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