Il est
encore petit, que dis-je, il est minuscule.
Six semaines à peine. Déjà, il ne
dort pas beaucoup. Tout juste deux
siestes de vingt minutes durant la journée. Bien sûr, parfois il peut roupiller
pendant deux heures au milieu de l’après-midi ; un événement que je sais
non-récurrent, une pause improbable dont je profite difficilement, imaginant ma
petite boule de vie malade ou inerte.
Mon
entourage me conseille : fais-le
dormir à l’extérieur, l’air frais c’est magique ; fais-lui faire sa sieste dans
la poussette, tu vas faire un petit tour et hop, dodo ! L’air frais ne nous
a jamais été d’aucun secours. Le tour de
poussette s’est vite transformé en marathon du style tu roules comme une malade
pendant 45 minutes avant qu’enfin il ne coopère et se décide à fermer les yeux
et dès que tu immobilises la dites poussette plus de deux minutes le réveil est
instantané. Il ne nous restait plus que
la ballade en voiture, efficace en l’absence de stop ou de lumières rouges.
Mon
petit tourbillon, il vocalise, il babille, il manifeste sa présence de quelque
façon que ce soit. Le siège vibrant, la
balançoire qui chante, les jouets qui brillent ne lui suffisent pas ; il a
besoin de plus. Il a besoin d’une interaction en face à face, de mimiques
loufoques, d’une implication émotive digne de ce nom ; il ne se contente pas
d’une petite vie de bébé tranquille à regarder les feuilles bouger sous le
vent. À dix mois, quand il replace les
images magnétiques sur le frigo dans le mauvais sens et que celles-ci chutent
au sol, il les lance à bout de bras en hurlant.
Depuis
toujours, il a cette énergie qui nous laisse pantois. Cette intensité plus grande que nature. Cette batterie qui se recharge à vitesse
grand V. Je me rappelle ses cris de joie
lorsqu’il a reçu ses petites voitures de Flash
McQueen le Noël de ses trois ans.
J’ai cru un moment qu’il s’évanouirait de bonheur. Je me souviens aussi de cette activité
spéciale dans la classe de prématernelle où les enfants devaient fouiller dans
une grande boîte en carton pour se concocter un costume qu’ils porteraient
ensuite pour une sympathique parade dans les couloirs de l’école. Mon petit tourbillon, lorsqu’il faisait une
trouvaille, il l’extirpait de la boîte dans un mouvement grandiose de victoire
et de célébration. Ces accessoires se
transformaient en éléments fabuleux qu’il portait fièrement, que ce soit une
perruque de clown, de vieilles brettelles ou de grandes pantoufles
multicolores. Et tout cela sous l’œil ahurit
de ses camarades, beaucoup moins enthousiasmes face au contenu de la boîte.
Mais, bien évidemment, avec la joie excessive
venaient également les crises toutes aussi excessives. Des crises qui ébranlent, qui secouent, qui
remettent tout en question presqu’à chaque fois. Des crises qui se poursuivent malgré l’âge
qui avance. L’impuissance. La recherche de solutions. La souffrance cachée derrière ces éclats de
colère, la douleur même.
L’incompréhension de l’entourage.
Un
entourage qui se veut bienveillant, mais qui ne l’est pas toujours. Les jugements, inévitables. Je les reconnais si facilement ces regards
qui sous-entendent Laisse-moi le deux
semaines pis j’vas te le placer moi ! Et puis, je les entends les soupirs,
je les vois les yeux levés au ciel, je les sens les postures qui se crispent
d’intolérance. Dans sa grande sensibilité, mon petit tourbillon les ressent lui
aussi. Et mon cœur de mère qui éclate en mille morceaux.
Toujours
en mouvement. Son corps en mouvement,
ses pensées en mouvement, comme autant de balles rebondissantes. Les bruits constants, les repas pris sur un
coin de table à demi-assis, les gestes sans demi-mesure.
L’adaptation
au monde extérieur est et sera toujours un défi pour lui. Un monde dont il ne comprend pas toujours les
codes. Son imagination comme
refuge. Sa grande créativité. Son énergie sans fin. Sa vivacité. Tant de qualités souvent masquées par des
émotions en montagnes russes.
L’amour,
toujours là. Parfois fragilisé par
l’épuisement, parfois amplifié par l’isolement.
Des
certitudes qui volent en éclats, des apprentissages perpétuels, un avenir
nébuleux.
Mon
enfant tourbillon qui m’aide à ne rien prendre pour acquis et à toujours aller
de l’avant.
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