En fait, je n’ai pas vraiment 40 ans. J’en ai plutôt 37.
Mais, je me prépare. Depuis mon 37e
anniversaire, je me dis que j’en ai 40.
J’ai la prétention de croire que, de cette façon, le choc sera moins
violent quand le jour J arrivera.
40 ans, ce n’est quand même pas rien, je ne peux pas faire
comme si c’était un simple chiffre. C’est le milieu d’une vie. C’est la vie active avec un grand V et avec un
grand A. C’est la vie qui tourne, qui se
retourne, qui va vite, c’est la vie qui donne et qui reprend, c’est la vie des
mille et un tracas. C’est des enfants, plus des tout-petits, mais des enfants
dont il faut encore tout de même assurer l’éducation, c’est une carrière dans
son pic (suffisamment d’expérience accumulée pour avoir une certaine notoriété
jumelée à une énergie encore compétitive) et c’est des parents vieillissants
qui demandent de plus en plus de soins.
En fait, je dis ça, mais moi, mes parents, je ne les ai déjà plus, mais
bon, habituellement, à mon âge, on a encore des parents. À 40 ans, tu peux dire
que tu as un passé, tu peux regarder dans le rétroviseur et voir tout ce que tu
as accompli, tu peux aussi constater tout ce que tu n’as pas fait et que tu
n’auras plus le temps de faire maintenant (on a beau dire qu’il n’est jamais trop
tard, mais si tu rêvais d’être danseuse de ballet classique, à 40 ans, désolé,
mais il est trop tard).
À 40 ans, c’est aussi le regard des autres sur toi qui
commence à changer. Une madame est
née. On ne te regarde définitivement
plus comme une jeune fille. Des souvenirs des grossesses passées te collent à
la peau, ton corps commence à devenir un corps qui a vécu, qui s’est battu, qui
a eu quelques coups durs, qui commence à accumuler la fatigue. Il récupère moins vite, il manque un peu de
fraîcheur. Tout ça tu le vois dans le
regard des autres. Et quand tu constates
tous les efforts que tu déploies pour accomplir une tâche qui était pourtant si
simple auparavant, tu ne peux qu’acquiescer.
Le cheveux grisonnant et plus rêche, le teint moins lumineux, les
petites tâches sur la peau, le petit mou de bras, la corne en-dessous des
pieds, les mains qui fripent et le gras de genou (oui, oui, le gras de genou),
tout ça c’est nouveau et ça veut dire que toi tu n’es plus nouvelle du tout, tu
t’assèches tranquillement. Non, non, je ne parle pas de la beauté intérieure,
de la belle confiance en toi que tu as gagné avec les années, car on a beau
s’embellir de l’intérieur, l’enveloppe externe, elle, elle se fane, point
final.
Quand on nomme la génération qui te précède et que tu
constates tout ce qui te sépare d’elle, tu ne peux que concéder que tu as
vieillies. Les réseaux sociaux et les selfies sont entrés dans ma vie depuis à
peine un an (et encore, j’arrive difficilement à trouver le bon angle pour
camoufler mon double menton) et je n’ai toujours pas de composte, le clivage
est grand, vous voyez. Les jeunes, les
nouveaux, la relève, ce n’est déjà plus ma gang. Parfois, pour m’encourager, je me dis qu’il
se peut que je semble avoir quelques années de moins. En même temps, quand je me promène à l’épicerie avec mes
garçons de 6 et 9 ans, il est clair que ça ne se peut juste pas que j’ai 25 ans
!
Il est vrai toutefois qu’on s’assume plus en vieillissant,
qu’on s’en fait moins pour des broutilles. Peut-être parce que la vie nous
paraît soudainement moins longue et infinie, parce que la fin devient tout d’un
coup envisageable. Et on souhaite alors
que le milieu de notre vie ne soit pas déjà derrière nous au fond.
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