vendredi 2 juin 2017

Chronique du milieu de la vie


 

          En fait, je n’ai pas vraiment 40 ans. J’en ai plutôt 37. Mais, je me prépare.  Depuis mon 37e anniversaire, je me dis que j’en ai 40.  J’ai la prétention de croire que, de cette façon, le choc sera moins violent quand le jour J arrivera.

          40 ans, ce n’est quand même pas rien, je ne peux pas faire comme si c’était un simple chiffre. C’est le milieu d’une vie.  C’est la vie active avec un grand V et avec un grand A.  C’est la vie qui tourne, qui se retourne, qui va vite, c’est la vie qui donne et qui reprend, c’est la vie des mille et un tracas. C’est des enfants, plus des tout-petits, mais des enfants dont il faut encore tout de même assurer l’éducation, c’est une carrière dans son pic (suffisamment d’expérience accumulée pour avoir une certaine notoriété jumelée à une énergie encore compétitive) et c’est des parents vieillissants qui demandent de plus en plus de soins.  En fait, je dis ça, mais moi, mes parents, je ne les ai déjà plus, mais bon, habituellement, à mon âge, on a encore des parents. À 40 ans, tu peux dire que tu as un passé, tu peux regarder dans le rétroviseur et voir tout ce que tu as accompli, tu peux aussi constater tout ce que tu n’as pas fait et que tu n’auras plus le temps de faire maintenant (on a beau dire qu’il n’est jamais trop tard, mais si tu rêvais d’être danseuse de ballet classique, à 40 ans, désolé, mais il est trop tard).

          À 40 ans, c’est aussi le regard des autres sur toi qui commence à changer.  Une madame est née.  On ne te regarde définitivement plus comme une jeune fille. Des souvenirs des grossesses passées te collent à la peau, ton corps commence à devenir un corps qui a vécu, qui s’est battu, qui a eu quelques coups durs, qui commence à accumuler la fatigue.  Il récupère moins vite, il manque un peu de fraîcheur.   Tout ça tu le vois dans le regard des autres.  Et quand tu constates tous les efforts que tu déploies pour accomplir une tâche qui était pourtant si simple auparavant, tu ne peux qu’acquiescer.  Le cheveux grisonnant et plus rêche, le teint moins lumineux, les petites tâches sur la peau, le petit mou de bras, la corne en-dessous des pieds, les mains qui fripent et le gras de genou (oui, oui, le gras de genou), tout ça c’est nouveau et ça veut dire que toi tu n’es plus nouvelle du tout, tu t’assèches tranquillement. Non, non, je ne parle pas de la beauté intérieure, de la belle confiance en toi que tu as gagné avec les années, car on a beau s’embellir de l’intérieur, l’enveloppe externe, elle, elle se fane, point final. 

          Quand on nomme la génération qui te précède et que tu constates tout ce qui te sépare d’elle, tu ne peux que concéder que tu as vieillies.  Les réseaux sociaux et les selfies sont entrés dans ma vie depuis à peine un an (et encore, j’arrive difficilement à trouver le bon angle pour camoufler mon double menton) et je n’ai toujours pas de composte, le clivage est grand, vous voyez.  Les jeunes, les nouveaux, la relève, ce n’est déjà plus ma gang.  Parfois, pour m’encourager, je me dis qu’il se peut que je semble avoir quelques années de moins.  En même temps,  quand je me promène à l’épicerie avec mes garçons de 6 et 9 ans, il est clair que ça ne se peut juste pas que j’ai 25 ans !

          Il est vrai toutefois qu’on s’assume plus en vieillissant, qu’on s’en fait moins pour des broutilles. Peut-être parce que la vie nous paraît soudainement moins longue et infinie, parce que la fin devient tout d’un coup envisageable.  Et on souhaite alors que le milieu de notre vie ne soit pas déjà derrière nous au fond.

 

Aucun commentaire:

Publier un commentaire